De mémoire, il n’a guère été dans la culture Nikon de proposer, par le passé, des optiques de très grande ouverture. Dans les années 60 à 70, on trouve du 50, du 55 et du 58mm à f/1,2, tout au plus. D’ailleurs, il suffit de regarder l’actuel catalogue des optiques en monture F pour s’en convaincre. Pas l’ombre d’une optique ouvrant sous la barre de f/1,4. Dans la crèmerie d’en face, en revanche, Canon ne s’est pas gêné pour proposer des optiques ouvrant grand. On se souvient du mythique 85mm f/1,2L (en monture FD puis EF) et je crois me souvenir que la marque rouge a également proposé, en des temps lointains, un 50mm f/1. Fascinant. Une optique capable de restituer l’exact potentiel de la lumière.
De leur côté, les teutons de la firme de Wetzlar mettaient tout le monde d’accord, en dégainant Noctilux, le cultissime 50mm estampillé Leica, ouvrant à f/0,95, accusant plus d’un kilo sur la balance et coûtant un œil (le droit, de préférence). En proposant Noct 58mm, en choisissant de le baptiser Noct*, abréviation du latin noctis qui signifie nuit, la firme japonaise avait-elle en tête d’adresser un message à la communauté des photographes et accessoirement à ses concurrents ? Indubitablement, oui.
(*Nikon a déjà produit un 58mm f/1,2 Noct en monture Ai, sorti en février 1977)
Noct 58mm. Que la lumière soit
• Noct 58mm, le défi de la marque jaune
Noct 58mm f/0,95 est beaucoup plus qu’une optique spectaculaire. C’est un défi. Un exercice de style. Une revanche, comme une remise à zéro des compteurs. Il faut vraiment bien connaître Nikon, bien assimiler la mentalité nippone, bien appréhender cette culture d’entreprise, cet état d’esprit si particulier pour bien comprendre tout ce qui se cache derrière cette proposition d’exception. Car oui, tout est exceptionnel dans ce Noct 58mm f/0,95 S. Pour Nikon, c’est un pas de géant dans le nouveau monde du mirrorless série Z.
Tiens d’ailleurs, puisque je vous parle de Nikon Z, j’ai appris hier que Nikon Z6 a obtenu le EISA Award dans la catégorie meilleur appareil photo de l’année. J’attache très peu d’importance à ce genre de distinction, mais c’est un signe qui ne trompe pas, qui confirme ce que je ne cesse de répéter depuis que j’ai découvert Nikon Z. La (monstrueuse) monture S change la donne, radicalement. Par sa taille, son diamètre, ses capacités de communication en tandem avec un tirage mécanique du même tonneau. Bref. Avec Noct 58mm, Nikon fait un clin d’œil au passé et un pari sur l’avenir.
• Parce qu’il le vaut bien
Neuf mille balles, TTC, à la louche. Voilà, ça, c’est fait. C’est donc pas une optique que tout le monde va pouvoir s’offrir à Noël. J’ai vu passer sur les réseaux sociaux, les propos d’un photographe outré du fait que Nikon puisse proposer des optiques de ce prix et de « se détourner de sa clientèle ». Ah ! La bonne blague ! C’est oublier un peu vite le prix d’un Nikon D5, d’un Nikkor 200mm f/2 ou d’un zoom 180-400mm… D’ailleurs, rappelons qu’au catalogue Leica un Noctilux coûte aujourd’hui plus de 10.000€. Si Noct 58mm f/0,95 coûte ce prix, c’est parce qu’il le vaut bien, tout simplement. Il suffit de regarder la fiche technique de l’optique pour s’en convaincre. Noct 58mm c’est deux kilos de verre, de métal, d’ingénierie, le tout merveilleusement assemblé pour capter la lumière et la restituer encore plus claire qu’elle ne l’est, avec un luxe infini de détails. Quand j’ai vu les premières images réalisées avec Noct 58mm, je vous l’avoue. Je suis tombé de ma chaise. Ici, on touche au sublime, à la pureté faite image.
• Parce que Nikon peut le faire
Et là, vous me dites : « Mais tout cela ne nous dit pas ce qui a poussé Nikon à proposer une optique pareille ? » De vous à moi, je ne ferai jamais partie des photographes trimballant un Noct 58mm dans mon sac. Pas tellement parce qu’elle coûte une blinde, j’ai déjà travaillé avec des optiques Nikkor coûtant deux fois le prix d’un Noct. D’abord, parce que ce type de focale fixe n’est pas ma tasse de thé. Ensuite, je ne vous fais pas un dessin, bosser à f/0,95, ça implique une profondeur de champ ultra réduite, même si on est pas obligé de travailler à f/0,95… Bref. Pour répondre à votre question, la réponse est simple. Parce que maintenant, Nikon peut le faire. D’ailleurs, Noct n’est que le début de l’histoire car virtuellement, Nikon peut se permettre d’aller plus loin dans la performance optique. Beaucoup plus loin.
• Le couple monture/tirage mécanique
Noct est donc bien plus qu’une optique. C’est une proposition, une façon pour la marque jaune de prendre date. Noct, c’est un exercice de style, une optique qui permet à Nikon de démontrer la pertinence du choix de sa monture, mais pas seulement. Ici, c’est bien le couple monture/tirage mécanique qui permet d’affoler les compteurs et de réaliser la performance d’une formule optique qu’on peut sans peine qualifier d’ultime. C’est de ce point de vue, précisément, que Nikon se singularise par rapport à ses concurrents.
J’imagine les ingénieurs de chez Nikon, réunis il y a quelques années, autour du projet qui allait devenir Nikon Z, évoquant le couple monture/tirage mécanique. L’un d’entre eux disant aux autres : « Vous savez quoi ? Avec une formule optique de ce calibre, on pourrait à l’aise faire une optique qui ouvrirait à… f/0,95 ! Et qui en plus rendrait très beau, sur toute la surface de l’image, même sur les bords ! » J’imagine que les membres de l’équipe se sont regardés, réalisant qu’ils ouvraient là les champs du possible. C’est à ce moment précis que le chef de projet leur a dit : « On va le faire. » Et ils l’ont fait.
• Nikkor Noct 58mm f/0,95 est disponible au prix de 8990€.
• Cet article n’est pas sponsorisé.
[…] premium de gros calibre ! On compte dans cette liste des optiques de très haut rang, comme le 58mm f/0,95 S Noct, le trans-standard 24-70mm f/2,8 S, que j’ai pour ma part adopté et qui est un must have. […]