Je me souviens de la première fois où j’ai vu, de mes yeux vu, un visuel de Nikon Z. C’était un boîtier nu, sans optique, sans bouchon. Juste Nikon Z, dévoilant son capteur et sa monture. Ma première réaction avait été de murmurer « Qu’est-ce que c’est que cette putain de monture !? » Mon interlocuteur avait souri. Il m’avait parlé de visée réelle, un concept dont j’étais alors complètement étranger. Venant de la visée reflex, j’avais quelques difficultés à assimiler ce que ça pouvait apporter, dans les faits. C’est quand j’ai eu Nikon Z6 entre les mains que j’ai compris l’étendue des possibilités. Je revenais sans cesse à ce que j’avais sous les yeux. Un boîtier de taille relativement compacte et cette monture qui me semblait complètement démesurée. C’est comme si les ingénieurs de chez Nikon, partant d’une page blanche, s’étaient demandé quelle taille maximum ils pouvaient se permettre de réaliser, pour ce qui allait devenir la monture S. Et à regarder le visuel, je devinais qu’ils avaient poussé le bouchon au maximum des possibilités. « Avec cette taille de monture, on va pouvoir aller loin, se permettre des choses inimaginables à ce jour ! » m’avait glissé l’équipier Nikon, d’un air entendu.
Optique Canon sur Nikon Z6. Un vieux fantasme
Les jours ont passé, les mois aussi. Vous connaissez la suite de l’histoire. Un premier test terrain, puis un autre, puis un test grandeur nature aux Vieilles Charrues. J’ai revendu mon reflex Nikon D4s tant mon switch vers l’univers de Nikon Z6 me semblait inéluctable. J’avais en écho mes discussions autour de Nikon Z. « On va pouvoir se permettre des choses inimaginables. » Oui, mais encore ? Avec une taille de monture pareille, la plus grande du marché (55mm), on allait donc pouvoir monter des optiques de tous les horizons ? Devant ce marché en devenir il ne faisait aucun doute que nombre de fabricants allaient nous concevoir des bagues d’adaptation de tout calibre. Quand j’ai découvert la bague Fotodiox Pro permettant de monter une optique Canon FD sur Nikon Z, je vous avoue avoir frissonné. J’allais pouvoir, enfin, réaliser mon plus vieux fantasme. Monter une optique Canon sur mon boîtier Nikon. Ni une, ni deux, j’ai commandé la bague Fotodiox. Comme au poker. Pour voir. Et autant vous le dire sans ambages. J’ai vu.
• Mon optique Canon sur mon Z6 !
Deux jours plus tard, je recevais la bague Fotodiox Pro, estampillée « FD Nik Z ». Que dire de cette bague ? Qu’elle me semble plutôt bien pensée, bien construite, solide a priori. Une monture Z d’un côté, une monture FD de l’autre. J’ai monté la bague sur mon Z6 et j’ai fixé mon optique Canon FD 55mm f/1,2 SSC. Il s’agit probablement d’une des meilleures optiques jamais fabriquées par Canon, que j’ai achetée en seconde main, en 1979. Oui, en seconde main, car cette optique valait à l’époque plusieurs mois de salaire. J’ai travaillé pendant des années avec ce 55mm, je connais donc sa valeur et ses qualités optiques exceptionnelles. Restait à le vérifier en regardant dans le viseur de Nikon Z6.
• Les joies du mode manuel
Inutile de préciser que dans ce cas de figure, c’est le mode manuel qui est aux commandes. Pas d’autofocus, naturellement, aucune communication entre le boîtier et l’optique. Le réglage du diaphragme se réalise manuellement, Nikon Z se chargeant quant à lui de piloter la sensibilité et la vitesse. Quant à l’équilibre diaph/vitesse on l’évalue grâce au viseur électronique. Ça peut sembler complexe à première vue, mais on s’habitue très vite. Sur la bague Fotodiox Pro, une molette permet de doser la luminosité, mais c’est surtout la bague de diaph de l’optique Canon qui permet de doser la lumière. J’ai rapidement compris que mon optique vintage n’avait qu’une hâte. Revoir la lumière et se rappeler à mon bon souvenir.
• Une chose inimaginable
Face au calvaire de Cast (un de mes modèles de prédilection), sur la route de Douarnenez, j’en a pris plein les mirettes. Oui, parce que c’est par l’optique que passe la lumière et une optique premium conserve toutes ses qualités intrinsèques. J’ai ouvert grand, très grand (à f/1,2 pour être précis), histoire de retrouver ce flou d’arrière plan (oui, de mon temps on ne disait pas « bokeh ») que seule une optique de ce calibre est capable d’apporter. Quand j’ai vu le résultat dans mon viseur, je dois vous avouer que j’ai pris une claque. Je réalisais un rêve que je croyais impossible. Monter une optique Canon sur un boîtier Nikon. Et la phrase prononcée, un an auparavant, m’est revenue en écho. « Avec Nikon Z, on va pouvoir se permettre des choses inimaginables… » Je me suis senti pousser des ailes. J’avais besoin d’air, besoin de respirer. Je suis allé arpenter le sentier côtier de la Pointe du Millier, faire des images avec Canon FD 55mm et mon Z6. Et à chaque fois, la même émotion, devant la qualité des images produites par Nikon Z et la souplesse de travail.
• Le focus peaking de Nikon Z
Reste cette question. Est-ce que l’utilisation d’une optique vintage relève du fantasme, de l’anecdotique ou peut-on réellement envisager de travailler avec ce type de configuration. Pour moi, aucun doute possible, la réponse est oui, en particulier avec des optiques lumineuses, sur des focales fixes et courtes (24 ou 28mm, 35mm, 50 ou 55mm). On retrouve toute la finesse et le pertinence (notamment en matière de précision et de piqué) des optiques Canon FD. En revanche, la mise au point n’étant pas automatique, elle peut être problématique pour certains utilisateurs. Comment savoir avec précision que l’image est nette ? C’est là où la technologie de Nikon Z propose une assistance à la mise au point, particulièrement utile dans le cas d’une optique à focus manuel. C’est le focus peaking.
Le focus peaking, traduit en français par la mise en relief (activable via la commande d10 du menu), permet d’afficher un indicateur coloré (en rouge, en bleu, en jaune, en blanc) sur l’image. Cette surface colorée permet de visualiser la zone concernée par le focus, en clair la zone de netteté. Il est possible de régler la sensibilité du focus peaking et dans le cadre de l’utilisation de mon optique FD 55mm cette assistance est d’un très grand secours, non seulement pour du portrait mais aussi dans le cadre d’une prise de vue en mode macrophotographie.
• Optique Canon, mais pas que !
Cette fois, on est dans le concret. Oui, on peut monter du Canon FD sur du Nikon Z. Et là vous me dites, mais encore ? En fait, j’ai envie de vous répondre que qui peut le plus, peut le moins. Sur cette monture de 55mm, on va pouvoir, via la bague d’adaptation qui va bien, monter à peu près tout ce qui existe en matière d’optique ou presque sur un Nikon Z. Du Canon FD ou FL, comme je l’ai fait, mais aussi du Canon EF, du Leica M, du Nikkor vintage monture G, du Pentax 645 ou K, de l’Olympus OM, du vintage M42 à vis, du Contax G, du Minolta, de l’Hasselblad V, du Yashica, du Mamiya M645, du Konica… Et bien sûr du Sony Alpha ! Sur une monture du calibre de Nikon Z, on peut monter à peu près tout ce qu’on veut, donc. Naturellement, on peut aussi monter du Nikkor avec l’adaptateur Nikon FTZ.
No limit. En faisant le choix de Nikon Z, j’avais déjà fait le choix de mes optiques, imaginant posséder un jour ou l’autre la sainte trinité des optiques : 14-24, 24-70 et 70-200 à f/2,8 en monture S. Si on m’avait dit que je pourrais aussi monter mon Canon FD 55mm f/1,2 SSC, je crois que je me serais doucement marré. Ça fonctionne, c’est validé, ça ouvre des possibilités infinies. Quand j’ai vu sur mon écran iMac 27 pouces et Capture One Pro 12 les images haute déf produites par le tandem Nikon Z6 et Canon FD 55, je me suis dit que non, décidément, je n’avais pas fini de m’amuser. Ça tombe bien. La photographie, ça sert aussi à ça. Le plaisir de ramener de la belle image.
• crédit photos : Hervé « harvey » LE GALL
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