Quelqu’un m’a dit que c’était l’hybride ultime. Un autre m’a assuré que personne, je dis bien personne, ne serait capable de faire mieux, d’aller au delà de l’infini incarné par Sony. Que la marque japonaise a définitivement pris trop d’avance sur ses concurrents, qu’elle ne sera plus jamais rattrapée. J’ai tout entendu et son contraire. Que Sony A7 Mark III est le reflex killer, que l’affaire est dans l’sac, les gaules pliées, la cause entendue. D’ailleurs tout le monde le dit, hein ? Tout le monde le sait. La crème des blogueurs, les sites spécialisés, les meilleurs Youtubers (…), bref le monde des experts est unanime. C’est Sony. Bon, d’accord. Mais les autres, on en fait quoi ? Fujifilm par exemple. « C’est pas du fullframe ! » Certes, mais ça fait des photos et le rendu, ma foi, est plutôt à la hauteur. Et Canon ? Et Nikon ? On en parle ? Ces deux-là sont dans la boucle et équipent l’immense majorité des photographes professionnels, depuis des lustres. Canon et sa pertinence optique, ses serie L, son velouté de couleurs. Nikon, son parc optiques Nikkor, ses reflex premiums, sa maîtrise de l’image. Alors, vous, je ne sais pas. Mais moi, photographe, je ne peux pas me contenter de tests d’opérette. Je ne peux pas croire que l’histoire se termine là, avec la suprématie d’un boîtier. C’est le but de mon test hybrides. Après avoir testé Fujifilm X-T3, j’ai travaillé avec Sony A7 Mark III pendant trois semaines. Est-ce que ce boîtier est parfait ? Non. Cet APN hybride est-il, à ce jour, une référence sur le segment hybride plein format. Oui. Est-il perfectible ? Bien sûr que oui. Vous voulez vraiment savoir ce que je pense de Sony A7 Mark III ? Si vous pensez que toutes les vérités sont bonnes à dire, vous avez frappé à la bonne porte.
Sony A7 Mark III passé au crible
Fujifilm, Sony, Canon, Nikon. Un hybride, un caillou basique comme le 50mm f/1,8. Vous connaissez l’adage, c’est par l’optique que passe la lumière. Je voulais savoir comment un boîtier réagissait, sans être influencé par le caillou monté. C’est pour cette raison que je n’ai pas opté pour un Fujinon 56mm f/1,2, ou un Sony Zeiss 55mm f/1,8. Pas plus que je n’ai choisi un Canon 50mm f/1,2L ou un Nikkor 58mm f/0,98. Je voulais un caillou basique, pour qu’on ne vienne pas me reprocher d’avoir facilité le test, d’avoir favorisé telle ou telle marque. Les appareils testés m’ont suivi, ils ont vécu ma vie de photographe sur le terrain, chacun pendant une longue période. Trois semaines à arpenter Brest en tout sens, à affronter les salles obscures et les mouvements indociles. Pas juste trois clics-clacs entre deux petits fours et un cocktail sur le stand du constructeur au salon de la photo, entouré d’experts maison qui vous jurent, la main sur le cœur, que leur boîtier est un killer. De toutes façons, les constructeurs me connaissent et savent qu’ils ne me la joueront pas à l’envers. Bref. Sony A7 Mark III m’a accompagné et nous sommes à l’heure du bilan.
1- L’ergonomie
Le premier contact avec un boîtier, la première prise en main conditionnent très souvent la suite de l’aventure. La préhension du boîtier, le fait qu’on le sente bien, qu’on se sente confortable, c’est quelque chose qu’on ressent immédiatement. Venant du reflex, d’abord Canon, puis Nikon, j’ai l’habitude de la rondeur, de la taille et du poids. Ici, avec Sony A7 Mark III, c’est l’exact opposé. Le boîtier est carré, très anguleux, de taille réduite et léger. Autant dire que les premiers temps passés avec cet APN ont été compliqués, tant j’avais l’impression de ne rien avoir dans les mains. Les deux molettes avant et arrière sont relativement petites, si vous avez de gros doigts, vous allez souffrir. Mais c’est l’absence de touches essentielles, directement sur le boîtier qui m’a le plus perturbé. Modes de mesure, modes AF, zones AF, aucun accès direct. Sur l’optique, pas mieux. En revanche, en creusant un peu, on réalise vite que l’ergonomie est personnalisable. Touches de fonctions (C1 à C4), accès direct aux principales fonctionnalités (touche fonction), tout est prévu pour faire de Sony A7 son boîtier. Mais pour ça, il faut passer par les menus, avec ce sentiment désagréable qu’il y a mille informations à gérer et qu’on ne s’en sortira jamais.
2- La visée réelle
C’est un argument majeur de l’hybride, un truc magique pour qui vient, comme moi, de la visée reflex. Voir l’effet immédiat des réglages dans son viseur, c’est une fonctionnalité inédite qui fait son petit effet. Au début j’ai été bluffé, mais on s’habitue vite. Voir la profondeur de champ dans le viseur en temps réel, ça le fait. Pouvoir accéder aux fonctionnalités du menu sans quitter l’œil du viseur, c’est cool. Quelques bémols cependant et de taille. D’abord, un viseur électronique, ça bouffe de la pile, on va y revenir dès qu’on va évoquer l’autonomie. Ensuite, quoiqu’on en dise, la visée réelle est en réalité irréelle, tant elle a tendance à sublimer l’image, à la rendre plus sexy qu’elle ne l’est. Je n’ai pas shooté pendant huit heures d’affilée, mais je me demande dans quel état serait mon œil gauche à l’issue d’une longue session de travail. Avec le viseur électronique, l’œil en prend plein les mirettes alors que la visée reflex, elle, est le reflet du miroir. Précision importante, le viseur du Sony A7R Mark III a évolué, ce qui n’est pas le cas du modèle A7 Mark III que j’ai testé.
2- L’autofocus
Là, naturellement, on touche le Grall du bout des doigts. Sony A7 Mark III, du point de vue de l’autofocus, de sa précision, de sa vélocité, réalise un sans faute absolu. Je n’ai jamais réussi à prendre l’AF en défaut et c’est pas faute d’avoir essayé. Habilement combiné au mode de mesure correct et au choix du mode AF, Sony A7 est une machine d’une précision redoutable. En concert, j’ai travaillé en mode AF-S en sélectionnant le collimateur manuellement avec le joystick, Sony A7 accroche le point avec une exactitude diabolique, même en conditions de basses lumières. En street, en paysage, c’est idem, l’autofocus permet une mise au point quasi instantanée.
3- La dynamique
J’ai utilisé Capture One Pro 12 pour éditer et proder les fichiers RAW issus de Sony A7. Malgré l’utilisation d’une optique qu’on peut qualifier de basique (Sony 50mm f/1,8), les images produites par Sony A7 sont d’une précision et d’une qualité bluffante. J’ai retrouvé sur l’écran de mon iMac 27 pouces la précision de l’AF que j’ai vécue dans le viseur. Les clichés sont d’une dynamique redoutablement efficace, d’un piqué presque irréel. J’imagine le genre d’images qu’on peut obtenir en montant un caillou du calibre de la gamme G Master de Sony ou du Zeiss. Petit bémol, avec Sony A7 Mark III on évitera de pousser la molette des iso au delà de 6400 (3200iso étant à mon sens un juste équilibre maximum). J’ai fait quelques images à 25Kiso, pour voir. On en parlera pas.
4- Le capteur plein format
Afficionados qui ne jurez que par le plein format, où la focale est respectée et où la qualité du « bokeh » se transcende, vous allez être ravi. Sony a finalement fait le choix du capteur plein format, même si ce n’était pas son choix initial (la gamme précédente, NEX, était au format APS-C). On va en reparler un peu plus loin, c’est un point fondamental de l’offre Sony et sans doute aussi le sujet qui prête, à mon avis, le plus à controverse. La définition de 24mp me semble cohérente, en bonne adéquation entre taille des fichiers et qualité. En cas de besoin (pour gagner un crop de 1,5 sur la focale par exemple), on peut switcher en mode APS-C. Et si ça ne vous suffit pas, vous pouvez toujours opter pour Sony A7R Mark III et son gros capteur de 42,4mp.
5- L’endurance
Là, on commence à toucher les sujets qui fâchent. D’abord on parle d’autonomie. On est d’accord qu’un boîtier équipé d’un viseur électronique, c’est très énergivore, sans même évoquer l’écran arrière. Que l’hybride Sony A7 Mark III soit moins autonome que mon reflex Nikon D4s, cela va sans dire. Cela dit, mon reflex Nikon est moins autonome que mon reflex argentique Canon F1 dont la petite pile (qui durait des lustres) ne servait qu’à alimenter la cellule. Bref, shooter deux jours d’affilée aux Vieilles Charrues avec Sony A7, huit heures d’affilée, on oublie, même si Sony propose un grip batterie qui permet d’allonger singulièrement l’autonomie. Du point de vue terrain, résistance aux éléments, il suffit de regarder le boîtier. Sans aller jusqu’à dire que c’est un boîtier de salon, j’ai du mal à imaginer Sony A7 affrontant des conditions climatiques compliquées, comme c’est parfois le cas à Carhaix ou à Saint Malo. Sony A7 n’est pas tropicalisé et la « protection tout temps » revendiquée par la marque n’est pas pour me rassurer. Un conseil, si vous venez en Bretagne avec Sony A7, prévoyez un ciré Cotten.
6- Le choix du double lecteur SD
Sony A7 est équipé d’un double lecteur de cartes au format SD. Loin de moi l’idée de jeter le pierre à Sony sur la pertinence de ce choix. Sony A7 Mark III est l’évolution d’une ligne de boîtiers, conçue il y a plusieurs années. Pour mémoire Sony A7 a été lancé en novembre 2013, lui-même étant l’héritier de la gamme NEX. Il n’est donc pas aisé pour la marque de changer facilement son fusil d’épaule. Mais quand même… Des cartes SD en 2019, c’est pas le format ultime ! Pour mes tests, j’ai utilisé deux cartes SD Extreme Pro 32Go, le formatage des cartes s’avère assez lent et à l’usage on pourrait souhaiter un rythme un peu plus pêchu en écriture. Ironie de l’histoire, une carte CFX (Compact Flash Express), affichant des débits stratosphériques, tant en lecture qu’en écriture, vient d’être annoncée par… Sony. Cette carte, au format identique à la carte XQD, équipera d’ailleurs à terme la gamme Z du concurrent Nikon. On imagine que le choix du format SD sur Sony A7 risque fort d’être un obstacle à l’avenir.
7- La taille, ça compte
La taille de la monture, ça compte. En parlant de la monture E, on va évidemment évoquer LE sujet qui fâche. Flashback. La monture E a été initialement adoptée par Sony sur la gamme NEX, dont le premier exemplaire est sorti en juin 2010, puis adaptée sur la gamme A7 (lancée en novembre 2013). Cette monture dispose d’un diamètre de 46,1mm (pour un tirage mécanique, c’est à dire la distance au capteur de 18mm). Le diamètre de la monture Nikon Z, à titre d’exemple, est de 55mm (pour un tirage mécanique de 16mm). Certes, c’est par l’optique que passe la lumière, mais la taille de la monture est un paramètre radicalement prépondérant. Plus le diamètre de la monture est grand, plus le tirage mécanique est réduit, mieux c’est. De ce point de vue, très technique, Sony risque fort d’être handicapé à l’avenir, car le choix de taille de la monture engage la marque pour de très nombreuses années. On imagine mal Sony faire volte face et décider unilatéralement d’un changement de taille de sa monture.
Et là vous me dites, pourquoi diable les ingénieurs de Sony ont-ils adopté un diamètre de monture aussi réduit ? C’est simple. La monture E a été développée pour la gamme Alpha NEX, en 2010, un APN au format APS-C (crop 1,5) puis adapté à Sony A7 et son capteur plein format, trois ans plus tard. Pour Sony, il n’y a pas péril en la demeure, du moins dans l’immédiat. En revanche, du côté de la concurrence, les choix sont diamétralement opposés. Nikon, par exemple, a opté pour une monture Nikkor Z d’un diamètre de 55mm et un tirage de 16mm. Les perspectives techniques offertes par un diamètre de ce calibre et un tirage mécanique restreint permettent d’envisager l’avenir. Ce n’est pas pour rien que la marque jaune s’est empressée d’annoncer le développement, non sans un soupçon d’ironie, de Nikkor Z 58mm Noct f/0,95. Et Nikon n’est pas seul dans la boucle. La monture L par exemple, fruit de l’alliance Panasonic, Leica et Sigma, d’un diamètre de 48,8mm (pour un tirage de 19mm) ou la monture RF de Canon (54mm pour un tirage de 20mm) promettent aussi des perspectives lumineuses.
Le défi technologique est posé. Des marques comme Nikon, Canon, Leica, Panasonic, Sigma, compte tenu de leur choix de monture king size, vont pouvoir se permettre d’aligner des optiques de qualité premium, dotées de fonctionnalités inédites. Et l’histoire a déjà commencé, elle est déjà en cours d’écriture. Pour preuve, Canon annonce un zoom RF 28-70mm f/2. Nikon annonce son 58mm f/0,95 et il se murmure que son 50mm f/1,8 est une pure optique. Même si elle n’ouvre qu’à f/1,8 ? Certes, mais cette optique est montée sur une monture de 55mm à 16mm de tirage mécanique. Ces marques vont donc pouvoir concevoir des optiques hypra lumineuses, voire ultra courtes et pour certaines très économiques, quand Sony restera, à moyen terme, handicapé par la taille de sa monture. D’où cette question, aussi fondamentale que cruciale. La gamme Sony A7 est-elle pérenne ?
• En conclusion
Avec A7, Sony a réussi un petit miracle, faisant la course seul en tête sur le segment de l’hybride plein format, depuis un peu plus de cinq ans. La marque japonaise produit un boîtier de grande qualité, capable de réaliser des performances remarquables, tant sur le terrain de la vidéo (avec Sony A7S Mark II) que de la photo avec Sony A7 Mark III. C’est un APN passe-partout, léger, même si l’argument de poids se réduit, par rapport au reflex, lorsqu’on lui monte certaines optiques G Master ou de marques tierces. Voilà un boîtier quasi irréprochable du point de vue de l’AF, de sa capacité à shooter avec une précision remarquable et en silence, avec une visée réelle de qualité. Je serai naturellement plus mesuré sur l’autonomie ou l’endurance sur le terrain. Globalement, Sony A7 Mark III est un excellent hybride, capable de prodiges et qu’il soit premier au classement n’a rien d’étonnant, d’autant qu’il a fait pendant cinq ans la course en solitaire sur le segment de l’hybride plein format. Reste qu’aujourd’hui, nous sommes en 2019 et Sony n’est plus seul dans la boucle, il y a du monde qui se bouscule au portillon et pas des moindres.
Il va falloir désormais compter sur Canon et Nikon, qui ne sont pas des lapins de six semaines et qui ont une culture photographique centenaire, au même titre que Leica. Ces trois acteurs majeurs ont un autre point commun, ce sont des opticiens d’excellence. La partie s’annonce donc des plus rudes et les années qui viennent risquent de ne pas être un long fleuve tranquille pour Sony. L’autre aspect du problème, et non des moindres, qui risque d’handicaper à terme Sony dans son offre, tient dans le choix de la monture E, initialement prévue en 2010 pour un format APS-C et adaptée au plein format trois ans plus tard. Alors ? Oui, sans l’ombre d’une hésitation je peux confirmer que Sony A7 Mark III est le meilleur hybride plein format actuellement disponible sur le marché. Mais soyons pragmatique. Pour combien de temps ?
• merci à Sony France pour leur soutien et le prêt du matériel pour ce test hybrides
• prochain test : Canon EOS R
• cet article n’est pas sponsorisé.
cédric dit
C’est un boitier avec lequel je travaille tous les jours et qui a su remplacer des Nikon D800. Il me les a même fait oublier !
Utilisé avec la gamme Art de Sigma, avec les montures natives, certes le poids est un problème mais l’approche photographique est différente grâce à l’écran orientable !
Je ne retournerais pas au reflex classique… 😉