Dès l’introduction de son livre, Jouer avec la couleur en photographie, Bryan Peterson évoque ses débuts dans le monde la photo couleur, au début des années 70. Comme la plupart des photographes à l’époque, Bryan travaille en noir et banc, plus par choix économique que par choix esthétique. Le noir et blanc était le plus répandu, parce qu’il coûtait moins cher et ne nécessitait pas une chimie compliquée à mettre en œuvre. Révélateur, fixateur et de l’eau et l’affaire était dans le sac. Avec une pelloche couleur, évidemment c’était une autre paire de manche. Bref, Bryan raconte comment dans une boutique photo le marchand lui propose un lot de sept pellicules périmées à un prix super attractif, à moitié prix. Sans trop réfléchir, il achète le lot et part cramer ses pellicules.
À son retour, c’est son frère qui lui annonce la mauvaise nouvelle. « Tu ne peux pas les développer, c’est pas du noir et blanc, c’est de la diapo couleur. » Aïe ! Double malus. Il lui fallait faire développer ses pellicules et faire des tirages papiers, autant dire du temps et de l’argent. Arrive le jour où Bryan récupère ses diapos. Il découvre, éberlué, sur une table lumière, la qualité fantastique des couleurs de ses diapos, peut-être des pellicules Ekatchrome, les mêmes que celles que Kodak vient tout juste de relancer. Des champs de fleurs sauvages aux couleurs éclatantes, des associations de couleurs. « Ce fut pour moi une révélation, J’étais saisi par l’incroyable puissance de la couleur. » affirme-t-il. C’est trés émouvant d’entendre cette évocation par Peterson. Tous les photographes qui ont travaillé avec Ekta comprennent aisément cette émotion. La photo couleur, en argentiquue comme un numérique permet d’associer les nuances, les contrastes, les oppositions de teintes. Il est possible d’obtenir, avec une photo couleur, un rendu d’émotion que le noir et blanc ne sait pas révéler. C’est cette invitation à la découverte que propose le livre de Bryan Peterson publié chez Eyrolles Photo.
Photo couleur. Maîtrisez la puissance des couleurs !
• Laissez vous guider par les couleurs
Voir les couleurs, c’est le postulat de Bryan Peterson. Sa démarche est atypique mais c’est ce qui fait l’intérêt de ce livre qui est autant un ouvrage pédagogique que didactique. Peterson privilégie la ou les couleurs. Il le dit clairement : « De nombreux photographes se définissent par le sujet qu’ils photographient (…). Neuf fois sur dix c’est la couleur qui détermine le choix de mon sujet avec, comme défi, la relever le mieux possible. Je ne vois pas un oiseau mais une aile rouge. Je ne vois pas un paysage mais un arbre couvert de fleurs jaunes. Je ne vois pas un scène de rue; je vois une porte mauve. » Tout est dit. La démarche de Peterson, guidée par la couleur ou plutôt par les couleurs est intéressante à plusieurs points de vue. D’abord on peut la voir comme un jeu, un jeu de piste où on part à la recherche des couleurs. Vous cherchez un thème pour votre prochaine sortie photo ? Vous l’avez trouvé. L’autre versant, auquel naturellement je souscris totalement, étant moi-même un amateur forcené de photo couleur, c’est que la couleur est une source de vie de l’image. Avec la photo couleur, on ne triche pas. Soit ça pète, ça éclate et on en prends plein les yeux, soit on a loupé son coup et on est aux fraises. Je repense encore à ma chère Sabine Weiss, évoquant son travail dans les années 60 dans le milieu de la mode. « Je préférais travailler en noir et blanc, c’était plus simple. » Bien sûr, c’est une boutade mais à y regarder de plus près, peut être pas autant qu’il n’y paraît. La mode, c’est le tissu, les couleurs, les nuances et c’est un sujet des plus compliqués à travailler en photo couleur. Avec le recul, je comprends mieux le sens de la formule de Madame Weiss.
• Les voleurs de couleurs
Tout l’intérêt de la démarche, j’allais dire de la méthode Peterson, est l’apprentissage de la découverte de la couleur. L’autre point qui me plait beaucoup dans le discours tient dans cette phrase : « Si votre intention est d’améliorer votre savoir-faire en post-traitement grâce à des logiciels de retouche d’images, cet ouvrage n’est sans doute pas le bon. En revanche, si vous pensez pouvoir créer des photos saisissantes avec un minimum d’interventions a posteriori, ce livre répondra à coup sûr à vos attentes. » En clair et en résumé, apprenez à voir la couleur, traquez la, la couleur est partout et elle vous tend les bras. Elle vient en soutien de votre sujet ou bien elle est votre sujet principal. Quant au chapitre post-prode je suis naturellement totalement en phase avec le discours de Bryan Peterson. Si vous maîtrisez votre sujet en amont, l’editing sera réduit au minimum et vous éviterez une sérieuse perte de temps et d’énergie. On revient quelques décennies en arrière, dans les années 80 et on se souvient des pub de Kodak mises en scène par Jean-Paul Goude, les voleurs de couleurs. Chaque chapitre du livre est une invitation à la réflexion et à certaines décisions liées à des choix techniques. Maîtrise de la lumière, de l’expo, balance des blancs et température de couleur. Car il ne suffit pas de trouver les bonnes couleurs, il faut aussi une certaine maîtrise pour bien les capturer… Chaque chapitre est une illustration de tout ce qui peut sublimer la couleur : composition, atmosphère et se conclut sur l’utilisation des filtres et de… Photoshop, une étape « réduite au minimum » pour reprendre une expression de l’auteur.
• Un livre intéressant à plus d’un titre
Voilà un livre dont le postulat de base est d’encourager ses lecteurs à partir à la quête de la couleur et de ce point de vue, le livre atteint son objectif. Mais je crois que la principale vertu du livre de Bryan Peterson tient dans la compréhension des mécanismes complexes qui révèlent les couleurs dans une image. Pur paraphraser Robert Capa, les couleurs sont là, partout autour de vous, il vous suffit de les prendre. Finalement ce livre permet de comprendre les mécanismes fondamentaux qui mettent en scène les couleurs. Vous achèterez sans doute ce livre d’abord parce que la couleur vous fascine, que vous souhaitez partir à sa recherche et en fait, grâce à ce livre, vous ferez sans aucun doute de meilleures photos, y compris, paradoxalement, de meilleures photos en noir et blanc. Car il est naturellement illusoire de penser qu’une photo moyenne en couleur donnera de meilleurs résultats en monochrome. En conclusion, tout l’intérêt du livre de Bryan Peterson est d’abord de maîtriser l’harmonie des couleurs, d’en comprendre les mécanismes et finalement de faire de meilleures photographies.
• Encore un excellent bouquin à mettre au crédit de l’équipe Eyrolles Photo ! Pour Noël, les amateurs de livres consacrés à la photo n’auront que l’embarras du choix…
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