J’ai souri, quand j’ai reçu le paquet des éditions Eyrolles. Souri parce que cet éditeur a cette incroyable capacité à anticiper les envies et les besoins de ses lecteurs dans le domaine de la photographie. Je chronique régulièrement des livres Eyrolles et vous le savez, c’est souvent un grand plaisir car leurs ouvrages sont particulièrement bien faits. Mais là, dans le cas présent, j’ai souri parce que c’était le livre que j’attendais. J’ai eu trois grands rêves, pour ne pas dire trois fantasmes, dans ma vie de photographe. La photo instantanée, incarnée par Polaroid. Nikon, une marque qui m’a toujours fasciné par sa créativité, son professionnalisme. Leica, pour sa valeur historique, son côté légendaire. J’ai réalisé les deux premiers, Polaroid et Nikon, laissant la marque teutonne au rayon du rêve inaccessible. En revanche, la photo instantanée a toujours eu un pouvoir d’attraction sur le regard d’enfant que je n’ai cessé de porter à la photographie. Rendez-vous compte. On appuie sur le déclencheur et la photo est créée immédiatement, là, sous vos yeux. Monsieur Land était plus qu’un ingénieur, c’était un magicien, doublé d’un poète. Le rêve de Monsieur Land a pris fin au début des années 2000, comme si la magie de la photo instantanée ne pouvait survivre au modernisme. Rien n’est plus faux. Le rêve a survécu, par la grâce de quelques héritiers un peu dingues. Toute l’histoire de Polaroid condensée en un seul ouvrage ? Voici le Grand Livre du Polaroid. Si, comme moi, vous êtes fasciné par cette marque mythique, c’est le livre que vous devez absolument avoir dans votre bibliothèque !
Photo instantanée, le guide de référence
• Du génie de Monsieur Land à l’aventure impossible
Quand j’ai reçu le livre par la poste, j’ai soupesé l’enveloppe et je me suis dit là, il y a du lourd. Je ne savais pas encore que j’avais raison, dans tous les sens du terme. J’ai ouvert l’enveloppe et c’est là que j’ai souri. Les éditions Eyrolles avaient encore tapé dans le mille, précédent mes envies pour ne pas dire mon besoin. J’ai poussé mon clavier, reculé mon fauteuil, pris les aises dont on a besoin quand on sent qu’on va passer un bon moment. J’ai commencé à feuilleter le livre et je dois dire que je suis immédiatement tombé sous le charme. J’ai littéralement dévoré les vingt premières pages consacrées à l’histoire de la marque. L’auteure, Rihannon Adam, a une écriture souple et fluide, très journalistique que j’adore. Dans l’histoire de Polaroid, il y avait pour moi quelques zones d’ombres, en particulier au chapitre de l’aventure Impossible project, comme à celui de la production de films packs par Fujifilm, puis, par la suite, de l’aventure Instax, dont j’ai beaucoup parlé ici-même à l’occasion de plusieurs articles. En quelques pages, l’auteure retrace les contours de l’aventure, de la genèse à la révélation, de l’idée de génie de Edwin Land à la lente agonie d’une marque légendaire, puis à la renaissance tranquille, à la continuation du rêve par la grâce de Fujifilm. Passionnant. Le grand livre du Polaroid est passionnant.
• Polaroid, un terrain miné
« Au premier abord, la photo instantanée a l’air d’un terrain miné. » Dès son introduction l’auteure pose les bases de la problématique Polaroid, tant il est vrai qu’aujourd’hui, il est difficile de faire un choix. Jusqu’à encore il y a peu, on pouvait utiliser le format film pack (dit peel-apart, le film à éplucher) commercialisé par Fujifilm, dans une large gamme d’appareils vintages Polaroid, comme le Polaroid 250 ou les boîtiers pros 180, 190 ou 195. Perfection absolue, ces films couleurs (FP100C) ou noir et blanc (le sublime et légendaire FP3000B) ont malheureusement disparu de la circulation et se négocient à prix d’or sur les sites de ventes aux enchères. Aujourd’hui, faire de la photo instantanée se résume à deux options. D’un côté la gamme Impossible, rebaptisée il y a peu Polaroid Originals. De l’autre, Instax.
Parlons d’abord de Impossible. Depuis qu’ils ont racheté la marque Polaroid, on pourrait croire à une renaissance du phénix. Objectivement, je pense que le phénix a du plomb dans l’aile. On reste dans l’approximatif, la version béta. Pour s’en convaincre, il suffit de cramer une pellicule noir et blanc dans un SX-70. Pas vraiment de noir, pas vraiment de blanc, beaucoup de gris et une photo qui vire au sépia avec le temps. Avec la gamme Polaroid Originals (aka Impossible), on a l’impression d’utiliser un film en beta version depuis des lustres. Ceux qui ont travaillé avec le film Polaroid des années glorieuses vous le diront. On shootait les yeux fermés, une main dans le dos et on sortait une belle photo, bien contrastée. La qualité qui a fait la légende et la réputation de Polaroid, en somme. Aujourd’hui, c’est mission impossible, si j’ose dire. Sur sa boutique en ligne, Polaroid Impossible ne se contente pas de proposer des films pas très aboutis. Ils vendent aussi des boîtiers vintages à prix d’or. Un SX-70 proposé à plus de 400€, est-ce bien raisonnable ?
• Techniques créatives, les recettes d’apprenti-sorcier
Revenons au livre de Rihannon Adam qui consacre la seconde partie de son ouvrage à ce qu’elle désigne sous le terme de techniques créatives. Autrement dit, tout savoir sur les techniques d’apprentis-sorciers de la photo instantanée. Transfert d’émulsions, bidouilles sur les films Impossible, récupération de négatifs sur films Fuji peel apart, passage au micro-ondes, cyanotypes, … Autant d’exercices réalisables avec la gamme de film Polaroid d’origine, de films packs Fuji ou de films Polaroid Originals Impossible. Problème, les deux premiers sont devenus introuvables, quant aux films Impossible ils demeurent dans l’approximatif. Ne cherchez pas à trafiquer du film Instax, ce n’est virtuellement pas possible. Finalement, ce livre s’adresse d’abord aux aventuriers, aux explorateurs des mondes impossibles, aux infatigables chercheurs de phases. Ceux-là seront comblés. Le grand livre du Polaroid est une mine d’informations, de trouvailles, d’explorations aux confins de la photo instantanée. Il y a l’autre versant, qui m’intéresse tout autant. La maîtrise de l’image, des couleurs, des contrastes. Et pour ça, on peut compter sur Instax.
• Et Instax alors ?
Historiquement, Fujifilm fait du film instantané (la gamme Instax) depuis un bail et cette histoire ne date donc pas d’hier. Le degré de maîtrise du film Instax est tel, que ça donne vraiment envie de s’y intéresser. La gamme Instax s’est progressivement développée. D’abord avec le Mini, qui permet de générer une photo instantanée d’excellente qualité mais de format rikiki. Année après année, le succès d’Instax mini ne se dément pas, c’est donc en toute logique que Fujifilm a créé un format wide qui s’apparente au format du film pack. Puis Fujifilm a créé Square, un format carré qui redonne un coup de jeune au format Polaroid historique. Quant à la qualité de l’image, rien à dire, Instax donne d’excellents résultats, une image stable et contrastée, équilibrée. En revanche, la structure du film Instax ne permet pas de le décortiquer. C’est la raison pour laquelle on ne trouve pas de recette de cuisine pour Instax dans le livre de Rihannon Adam. Ce qui n’empêche pas nombre de marques d’adopter le format Instax. C’est la cas de Lomography ou de Leica avec sa gamme Sofort.
Le grand livre du Polaroid porte bien son nom. C’est une mine d’informations sur les appareils permettant de réaliser de la photo instantanée ainsi que sur les techniques créatives autour d’un certain nombre de films. Ce livre va enchanter les amateurs de Polaroid comme les nostalgiques de la marque et il prouve, si cela était vraiment nécessaire, à quel point le génie de Monsieur Land continue de nous faire rêver !
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