C’est marrant. L’annonce du nouveau smartphone d’Apple, le déjà très controversé iPhone X et la renaissance de Polaroid sont tombés pratiquement le même jour, largement relayés par un ramdam médiatique de tous les diables. Autant vous le dire clairement. Ni l’un, ni l’autre ne m’a fait frissonner, mais puisque SHOTS est dédié à la photographie, j’ai choisi de concentrer ma chronique du vendredi sur le retour de Polaroid, ou plutôt de ce qu’il en reste. Oui parce que disons-le sans détour. L’annonce de la renaissance de Polaroid, marque mythique s’il en fut, me semble être avant tout un énorme coup marketing. Derrière ce non-évènement se cache en réalité le rachat de la marque Polaroid par un groupe d’investisseurs fort avisé, au premier rang desquels on trouve les fondateurs de la marque Impossible Project. Si vous vous intéressez, comme moi, à l’histoire de Polaroid, la naissance et le développement du projet Impossible n’a pas pu vous échapper. Ces gens ont saisi l’opportunité un peu folle de reprendre une usine Polaroid, ainsi que des salariés, en 2008. On raconte que les procédés de traitement ont dû être revus pour respecter les nouvelles normes environnementales, d’autres sources prétendent que Polaroid n’aurait simplement pas souhaité céder ses recettes et ses brevets. Qu’importe, le résultat c’est que Impossible a commercialisé pendant des années un produit qu’on peut qualifier d’approximatif, en restant poli. J’ai testé plusieurs variantes de films avant de me rendre à l’évidence. Polaroid était mort et il faudrait attendre un millénaire avant que les chimies estampillées Impossible soient du même calibre.
Polaroid. Le come back raté d’une diva
• Comme une longue agonie
Pour s’en convaincre, il m’aura suffi de loger des cartouches Impossible dans mon SX-70. Les premiers essais avaient été calamiteux, pour ne pas dire cruels. Non seulement Impossible vendait ses films à prix d’or, mais en plus le résultat était pitoyable. J’ai toujours pensé que les films Impossible étaient du Canada Dry de produits Polaroid. Il suffit de se souvenir de ce qu’on sortait avec un film Polaroid pour s’en convaincre. Bref, Polaroid, c’était mort, foutu, échec et mat, et ce n’était pas Impossible qui allait nous sauver la mise. De toutes façons, on s’en foutait, puisqu’il nous restait Fujifilm pour alimenter nos mythiques Polaroid 250 et consorts, en format film pack. Ah ! Le film noir et blanc FP3000B et que dire du film couleur FP100C… Tous ceux qui ont fait des photos instantanées avec les films packs Fujifilm vous en parlent avec un énorme soupçon de nostalgie.
Mais Fujifilm avait d’autres projets que de continuer à fournir du film pack à quelques afficionados et ce projet portait un nom. Instax. Un petit ersatz de Polaroid, de taille rikiki, pour ne pas dire ridicule. Ainsi, il était écrit qu’on vivrait la douleur une seconde fois, comme une longue agonie. Après la fin de Polaroid, on allait vivre la fin du film pack. Et la naissance, dans la foulée, de l’Instax mini, puis du format wide, ressemblant un peu au format du FP 100, puis plus récemment du Square, un format carré s’approchant du format Polaroid originel. Pendant ce temps-là, Impossible continuait ses tentatives, concoctant des chimies toujours plus audacieuses mais pas toujours des plus réussies. J’avais quitté le navire depuis un bail, renonçant pour toujours à produire des images instantanées. J’avais cramé mes dernières cartouches de FP100, revendu mes Polaroid 250 et SX70 et avec la monnaie j’avais acheté des kleenex, pour sécher mes larmes.
• Polaroid est de retour du futur ?
J’ai entendu parler du rachat de la marque Polaroid par le groupe d’investisseurs qui avait présidé à la naissance du projet Impossible. N’étant pas un lapin de six semaines, j’avais pressenti un coup de Trafalgar qui n’a pas tardé à débouler sous la forme d’un teaser. Un truc se préparait, un truc maousse. On en saurait plus le 13 septembre. On est le 13 septembre et l’info vient d’être dévoilée. Tel un Phénix, Polaroid renaîtrait donc de ses cendres ? Les annonces pleuvent, sur un joli site internet paré des couleurs de Polaroid, au nom de Polaroid Originals. Exit The Impossible Project, d’ailleurs la marque semble avoir disparu corps et âmes, le nom de domaine lui-même pointant désormais vers la nouvelle entité. Le packaging des films a, lui aussi, subi un gros liftting. Il est désormais aux couleurs et au logo du Polaroid nouveau. Qu’on se le dise, Polaroid est de retour du futur. Des films Polaroid et un nouvel appareil One Step 2, alors on ne rêve pas ? Ils l’ont fait, ils l’ont vraiment fait ? Permettez-moi de ne pas céder à l’enthousiasme général. Comme au poker, je demande à voir et je suis plus que dubitatif. Les emballages ont peut-être changé, les gens d’Impossible ont investi un paquet de dollars et racheté la marque, mais si à l’intérieur c’est toujours les mêmes films aux résultats moyens à la sauce Impossible, ils vont se prendre un sévère retour de bâton. Qu’on se comprenne bien. Je serais le premier à applaudir des deux mains et à soutenir l’initiative, mais quand je survole l’offre sur le site, j’ai quand même de singuliers doutes !
• Perfect imperfection. Le marketing est à la manœuvre !
D’abord le One Step version 2, qui coûte la bagatelle de 120€. Pour ce prix-là, le site annonce clairement un argument des plus osés. Perfect imperfection. On croît rêver ! Je cite. « Chaque fois que vous appuyez sur le déclencheur, des milliers de réactions entraînent la création d’une image réelle, complètement unique. C’est ça la beauté de Polaroid. » Eh bien non justement. La beauté du Polaroid que j’ai connu, c’était une image d’une excellente tenue, pas une bidouille aléatoire. C’est dingue de lire un truc pareil ! On préfère vous briefer tout de suite. C’est pas parfait mais c’est ce qui fait la beauté du geste. Le marketing est à la manœuvre et c’est que le début. Un conseil, n’allez pas faire un tour nostalgique à la rubrique vintage, vous allez faire une attaque ! Un Polaroid 600 se négocie de 160€ à… 670€, un SX-70 autour de 400€. Cherchez un peu sur le net, vous trouverez un SX-70 d’occase à 60€… Ou allez faire un tour sur le forum PolaroidPassion. À la rubrique films, on retrouve la gamme Impossible, reconnaissable au fait qu’il s’agit de packs de 8. Quant au prix, c’est cher, très cher, trop cher. La cartouche noir et blanc pour SX-70 se négocie à 19€ le pack de 8. Ce qui nous met la photo à 2,40€ environ, pour une qualité qui, aux dernières nouvelles, était plus que décevante. Sans compter que le film se développe en 15 minutes, quand il se développe diront les mauvaises langues… J’ai gardé des souvenirs épouvantables de mes tests avec cette pellicule, auxquels j’avais d’ailleurs consacré un article un peu agacé (doux euphémisme).
Je souhaite néanmoins la meilleure réussite à cette nouvelle étape, dans le développement du projet Impossible et je serai le premier à saluer la qualité des nouvelles versions de chimie. Mais quand même, qu’on me permette d’être pour le moins suspicieux. Les résultats obtenus avec les pellicules Impossible ne sont pas de nature à me rendre optimiste. En revanche, du côté de Fujifilm, la maîtrise semble toujours au rendez-vous, tant en couleur qu’en noir et blanc. Le nouveau Polaroid ressemble à s’y méprendre à un Canada Dry de l’original. Ça porte le nom de Polaroid, le logo de Polaroid, c’est une gamme de films instantanés utilisable dans les appareils Polaroid mais c’est PAS du film Polaroid ! Je ne demande qu’une chose. Qu’on me prouve le contraire. Que je puisse me dire que Polaroid est enfin de retour. Et que le rêve de Monsieur Land n’est pas mort…
• Pola and Co, le clin d’œil de Jérôme Geoffroy
Vous connaissez sans doute déjà Jérôme Geoffroy, qui a signé plusieurs ouvrages consacrés à la photographie chez Dunod éditeur. Il récidive avec un sujet d’actualité consacré à la photographie instantanée, avec un petit livre auquel je prédis un grand succès. Son titre Pola and co, à paraître le 10 octobre. Vous pouvez déjà le précommander chez Amazon !
[…] instantanée, quand Impossible Project (rebaptisée aujourd’hui Polaroid Originals, depuis le rachat de la marque) est encore dans le flou, fut-il artistique. On est là dans le cœur du système Instax SQ10. […]