Les quatre vérités du marché de la photo numérique en 2016

« Des faits, Bruno. Rien que des faits ». En regardant les chiffres du marché de la photo numérique en 2016, j’ai une pensée amusée pour les Nuls. Des faits, donc, rien que des faits. En observant ces chiffres avec un peu d’attention. Et surtout en mettant de côté les passions ou les préférences qu’on a tous pour tel ou tel type de matériel, voire de telle ou telle marque.

Hybride ou reflex ? Sony ou Panasonic ? Nikon ou Canon ? Le truc, avec les chiffres, c’est leur côté rationnel, implacable, définitif. J’ai sous les yeux les chiffres des ventes du secteur de la photo numérique en 2016, en volume et en valeur, pour le marché français. La période ne représente pas l’année entière, elle va du mois d’avril au mois de novembre 2016, un espace temps représentatif qui regroupe l’essentiel des ventes de l’année. Si ces chiffres – officiels et publics – permettent de dresser un constat, ils offrent aussi l’opportunité de tordre le cou à quelques contre-vérités exprimées ici et là, notamment par le biais des réseaux sociaux, sur une supposée réalité. Bilan d’une année dans le secteur de la photo numérique, voici les preuves par quatre. Sans ambages.

Photo numérique. La preuve par quatre.

1- Le smartphone, en force.

Aujourd’hui la photo et la vidéo sont devenus les axes principaux de vente des smartphones. On ne vous vend plus un téléphone capable de faire des photos mais l’inverse, un photophone. Il suffit d’observer les campagnes de communication de marques comme Apple avec son iPhone. C’est la photo qui est utilisée comme vecteur et le reste est finalement accessoire. Au récent salon de la photo, en novembre 2016, la marque Huawei était présente, une marque qui a collaboré avec Leica, sur son flagship P9. Des images de qualité, un appareil unique qu’on a toujours sur soi, sans même évoquer la connexion avec les réseaux sociaux. De quoi faire souffrir les APN d’entrée de gamme, toutes marques confondues.

2- Hybride rime avec timide.

Le segment de l’hybride se développe, certes, mais on est loin de l’envolée spectaculaire revendiquée, clamée haut et fort à grands coups de réseaux sociaux. À écouter certains interlocuteurs, on pourrait imaginer que la messe est dite et qu’un mouvement est en marche vers le segment de l’hybride.

Rien n’est plus inexact et largement contredit par les chiffres de vente. Sur la période 2016 (avril à novembre), la marque Fujifilm a écoulé sur le marché français 2800 pièces, toutes références confondues. On est loin, donc, du raz de marée et du succès dont on nous rebat les oreilles sur les réseaux. Quand on sait que sur la même période Nikon a écoulé, par exemple, 2300 exemplaires de son Nikon 1 J5, ça permet de relativiser. Certes, le prix de vente d’un Fujifilm X est nettement supérieur à celui d’un J5, cela n’enlève rien au fait que le nombre d’utilisateurs reste pour le moins restreint.

Sur le segment des appareils hybrides, Panasonic est devant, avec 37% de parts de marché. Sony tire aussi son épingle du jeu. Pas comme on pourrait l’imaginer, d’ailleurs. Sur la gamme Alpha 7, dont les ventes en volumes restent plus que modestes – doux euphémisme -, mais sur l’hybride d’entrée de gamme (A5000 et A6000).

3- Nikon vs Canon

Dans l’éternel combat qui oppose les deux poids lourds du secteur, Nikon et Canon, en 2016 le match a tournée à l’avantage de Canon. Même s’il convient de relativiser grandement ce chiffre, la marque jaune restant largement devant sur le segment du reflex professionnel avec 60 à 65% de parts de marché. Il faut dire qu’en 2016, Nikon a souffert, pour la énième année consécutive, en matière de catastrophe naturelle ! Le séisme qui a touché la région de Kumamoto au Japon, le 16 avril 2016, a fait de nombreuses victimes et provoqué des dégâts importants dans plusieurs installations industrielles, parmi lesquelles celles de sous-traitants travaillant pour Nikon. Il faut aussi noter que Canon n’est pas resté les bras ballants devant son concurrent historique, alignant de nouveaux modèles comme EOS 80D ou le très attendu EOS 5D Mark IV.

4- Photo numérique. État des lieux

Globalement, en valeur, Canon (31%) reprend l’avantage devant Nikon 23%), alors que l’an passé les deux marques étaient au coude à coude (à égalité avec 28% chacun). Suivent Panasonic (17%) et Sony (13%). Olympus (4%) et Fujifilm (3%) ferment le classement, loin derrière. Le segment des hybrides reste encore très largement en retrait de celui des reflex. Toutes marques confondues, il s’est écoulé 156.000 reflex sur la période 2016.

Fujifilm, souvent présenté comme acteur majeur du segment de l’hybride, affiche des performances objectivement plus que modestes. On peut d’ailleurs raisonnablement s’interroger, dans de telles conditions de marché, sur les raisons qui poussent Fujifilm à proposer un nouveau boîtier moyen format, Fuji GFX 50s. Avec un positionnement tarifaire sans commune mesure avec l’offre actuelle sur le segment du moyen format (comme Phase One par exemple). Ce qui ne fait pas l’affaire des photographes de studio habitués à pratiquer des prix de sessions en rapport avec le matériel engagé… Les marques continuent d’innover, de chercher à investir de nouveaux segments. À l’image de Nikon qui vient se positionner sur le segment de la caméra d’action avec sa gamme Keymission. L’année 2017 s’annonce riche et pleine de promesses.

• illustration : photographes en action pendant le festival des Vieilles Charrues en juillet 2016 (crédit photo Hervé LE GALL)