En avril, ne te découvre pas d’un fil.Le gars qui a pondu cette maxime devait être brestois. Je traverse la place Guérin, sous l’œil goguenard de Christophe Miossec, juste à l’emplacement de la salle Avenir, haut lieu de la vie culturelle du quartier de Saint Martin, qui n’est plus qu’un vague souvenir. Direction rue Jean Jaurès, puis la rue de Siam et malgré un timide soleil, il fait frisquet sur Brest. Emmitouflé dans ma veste, j’aperçois une affichette dans une vitrine qui mentionne Expolaroid. Diantre ! Le mois du Polaroid aurait-il poussé à l’ouest, jusqu’à Brest ? Absolument. C’est à la Galerie que ça se passe, rue Pasteur, à deux pas de la rue de Siam. Je pousse la porte de la Galerie. Sylvain, créateur et maître du lieu, est un passionné de photographie, tombé dans le chaudron de l’argentique quand il était minot. Au mur, des appareils Polaroid, suspendus comme des trophées de chasse. Ici des agrandissements et là, des instantanés. Il y a du film instax, je reconnais aussi des clichés Impossible noir et blanc et sous cadre, des traces de la flamboyance passée. Du Polaroid, du vrai, du beau et, ce qui ne gâche rien, du 100% brestoâ.
Mois du Polaroid
Un polaroid attire immédiatement mon regard. C’est plus qu’un pola, ce pola-là. C’est une pièce de musée, une trace du temps. Une mention manuscrite, qui par ailleurs gâche un peu l’image dans ce qu’elle a de simple et de puissant indique Photo Dominique Leroux. Comme si on pouvait douter un instant que cette photo ait pu être prise par quelqu’un d’autre que lui ! Un cliché simple, élégant, une trace du temps, le témoin d’un moment. Guillaume, Christophe, Bruno. Le trio brestois du milieu des années 90 plus connu sous le nom de son chanteur, Miossec. Ça, c’est côté jardin. Côté cour, la série continue, avec des polas toujours signés Leroux, témoin privilégié des nuits brestoises, avec quelques-unes de ses figures de proue. Je reconnais l’inénarrable Maria Paillard, comédienne et sœur de Fañch, celui qui mettait la ouache à la fin des années 90 avec ses potes de Matmatah du côté de Lambé. Je regarde ces Polaroid brestois avec émotion, comme un signe du temps passé qui ne reviendra plus. La pluie se met à tomber sur Brest, j’ai une pensée pour Barbara, pour des images fixées par la magie de Monsieur Land, pour le temps qui passe et ne se rattrape guère… Entre les clichés vintage de Dominique, il y a de l’instax wide, étrange contraste entre le passé et la (vaine ?) tentative de modernité signée Fujifilm.
Ah ! Fujifilm, parlons-en. Avec l’abandon du film pack noir et blanc FP3000B et plus récemment le film couleur FP100C, la firme japonaise a provoqué un séisme, un tsunami, une catastrophe planétaire dans le monde de l’image instantanée. J’aimerais croire qu’une solution est envisageable, par le rachat du brevet par l’équipe de Impossible mais je suis plus que dubitatif. Bref. J’ai signé la pétition et je vous engage à faire de même. Fin de la parenthèse Fujifilm, qui m’a quand même bien pourri mon groove et gâché ma fête Expolaroid 2016. Ironie du sort, les communautés autour de l’instantané n’ont jamais été aussi vivaces, aussi actives et enthousiastes, à l’image de Lomography et c’est ce moment que Fujifilm choisit pour abandonner la commercialisation de son film. Les voies de la rentabilité industrielle sont décidément bien impénétrables.
Enthousiastes, c’est le mot pour qualifier les passionnés de l’image instantanée, en ce mois du Polaroid. J’ai une pensée pour les membres de Polaroid Passion, au premier rang desquels Michael Meniane, créateur du site, grand agitateur de Polaroid, initiateur de Expolaroid, pour qui le mois du Polaroid c’est toute l’année. Une expo partie de Nantes et qui a essaimé à travers le monde entier, de Québec à Bruxelles, de Brest à Melbourne. Des lieux pour découvrir ce tour de passe-passe imaginé au siècle dernier par un magicien du nom de Edwin Land. La photographie dans ce qu’elle a de plus beau, de plus simple, de plus pertinent. Pour garder une trace, la magie d’un instant du temps qui passe.