J’ai en main depuis deux semaines un nouveau smartphone, le Nexus 6p de Google et je dois à la vérité de dire que j’ai rarement atteint un niveau de satisfaction produit aussi élevé qu’avec ce Nexus, parfait à tout point de vue. Taille, ergonomie, rapidité, polyvalence, Nexus 6p est pour moi un véritable outil de productivité. C’est simple, on ne se quitte plus, il est à mes côtés 24/24. Le fait que Nexus soit un pur produit Google, doté d’un Android stock, sans surcouche logicielle donc, est en soi pour moi un élément déterminant. C’est ce qui m’avait motivé dans le choix d’un Nexus 4, par ailleurs. L’appareil photo numérique, que j’utilise assez peu, est néanmoins surprenant. Un capteur de 12mp pour l’APN, un second de 8mp pour la façade, Google n’a pas fait les choses à moitié. Nexus 6p délivre une image lumineuse, contrastée, flatteuse et du côté de la vidéo, on peut aussi filmer en 4K. Bref, un smartphone quasi-parfait, fabriqué selon des guidelines de Google par le chinois Huawei. Le fabriquant de Nexus 6p m’importe finalement aussi peu que pour un utilisateur d’iPhone de savoir qu’il est réalisé par Foxconn. Quand même. Quand j’ai vu passer l’info de la collaboration Huawei Leica dans la conception du nouveau smartphone P9, les bras m’en sont tombés.
Un smartphone P9 Huawei Leica.
J’ai failli avaler ma chique ! Pour paraphraser Doc Brown, ça a été ma première réaction lorsque j’ai appris le partenariat Huawei Leica, dans la conception du nouveau flagship de la marque chinoise. À ma gauche, Leica. La légende industrielle teutonne, le fantasme définitif, le rêve secret de tous les photographes, l’inaccessible étoile. Plus qu’une marque, un art de vivre la photographie. La firme de Wetzlar, porteuse de rêves, où la seule évocation de sa marque, Leitz Camera, fait briller les yeux de générations entières de photographes. Et je ne parle même pas des optiques, summum de la perfection. Bref. Leica, c’est pas une marque, c’est un dogme, une valeur sûre. À ma droite, Huawei, fabriquant de terminaux numériques, une firme basée à Shentzen en Chine, qui a opéré un virage qualitatif il y a quelques années, optant pour une qualité de fabrication plus élaborée, histoire de coller vraiment à l’étymologie chinoise de son nom, bel ouvrage. Certes, Huawei a produit des efforts notables en matière de qualité sur sa gamme de smartphones et ce n’est pas le propriétaire d’un exemplaire estampillé Huawei qui vous dira le contraire. Certes Huawei est désormais le numéro trois mondial sur le segment du smartphone. N’empêche. Ce partenariat me laisse bouche bée.
• Le vecteur de vente : la photographie.
Huawei P9 embarque tout ce qu’il faut pour fonctionner de manière véloce, un processeur musclé, 3Go de RAM et 32Go de stockage, le capteur d’empreinte qui va bien et la batterie de 3000mAh pour lui assurer une bonne autonomie. Mais finalement, toutes ces specs passent désormais au second plan, aujourd’hui pour vendre du rêve sur un smartphone, il faut tout miser sur ses capacités à faire des photos et de la vidéo. Pas convaincu ? Regardez les pubs d’Apple pour son iPhone. En misant sur la collaboration avec Leica, Huawei fait le même calcul que Sony qui a associé son image aux optiques Zeiss. Un partenariat Huawei Leica, pour ma part je n’aurais pas misé un kopeck là-dessus. Plus exactement, je n’aurais jamais imaginé que la firme de Wetzlar puisse un jour accepter ce genre de deal, associer son image de marque flamboyante à une marque de smartphones grand public. Du côté de la fiche technique et de la rhétorique, l’apprenti chinois a bien appris sa leçon du Maître ès marketing feu Steve Jobs, avec un slogan made in California. Reinvent smartphone photography. Rien de moins. Sous le capot, un double capteur photo de 12mp (Sony), le premier en couleurs RGB, le second en monochrome. Voilà, vous y êtes. Vous allez pouvoir faire du monochrome natif avec Huawei P9, du noir et blanc avec de beaux contrastes, parce que, c’est bien connu, les vrais photographes travaillent tous en noir et blanc et avec du Leica, évidemment. Et pour envoyer du rêve, au dos on peut lire la mention Leica Summarit asph. La boucle est bouclée.
• Le smartphone, à la croisée des chemins.
Je ne crois pas que l’association d’image Huawei Leica soit une brillante idée pour la firme allemande, même si elle va générer du profit. Une chose est sûre, quoi qu’il en soit. Le marché du smartphone vampirise le segment de la photo et de la vidéo et ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’industrie de la photo. Il me revient en mémoire des discussions passionnées sur le sujet de la convergence numérique, à la fin des années 90, avec mon ami Laurent Bervas qui à l’époque traçait l’avenir du smartphone, dénominateur commun de l’internet et des technologies associées (photo, vidéo). On y est. Quant à savoir si le smartphone est une bonne nouvelle pour la photographie, je demeure dubitatif. Il paraît qu’on n’a jamais fait autant de photos sur la planète que depuis l’avènement de cette technologie. J’y vois plutôt une banalisation de l’acte, une tendance vers le bas, le cheap, le médiocre. De ce point de vue, voir Leica y associer son image ne semble pas la meilleure idée qui soit.