Nous sommes le 10 février 2016 et comme chaque année, ce jour marque, pour moi, la disparition, en 1971, quelque part au dessus du Laos, du photographe Larry Burrows. Adolescent, j’avais découvert le travail de ce photographe de guerre dans Paris Match et ses images m’ont durablement marqué. Larry Burrows n’était pas qu’un photographe de guerre, couvrant des conflits et ramenant des clichés, c’était d’abord et avant tout un photographe de génie, un œil instinctif, incisif, capable d’évoquer, de résumer une situation dramatique en une image. Mais Larry Burrows avait une qualité, ce petit truc en plus qui fait la marque des grands photographes. Larry aimait l’humanité, il avait pour elle de la compassion. C’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage que Life, la célèbre revue pour laquelle il était le correspondant au Vietnam, lui a consacré en 1972. Larry Burrows, a compassionate photographer. Un photographe de compassion.
Photographe de compassion et de génie.
C’est un livre magnifique, sorti aux éditions Time Life en 1972. J’en ai deux exemplaires et j’espère pouvoir en trouver un troisième avant de casser ma pipe, ce qui normalement me laisse un peu de marge. Je ne voudrais pas que l’une de mes trois filles ne reçoive pas un jour ce livre en héritage, tellement ce recueil de photographies représente à mes yeux la quintessence de cette passion qui aura guidé ma vie, la photographie. Larry Burrows, photographe de compassion, à qui on demandait s’il fallait vraiment montrer les horreurs de la guerre au monde entier. Larry Burrows était anglais et avec son humour british il répondait avec flegme : « Merci mon Dieu, ce n’est pas ma guerre. » Larry pensait, à juste titre, que ses photographies devaient d’abord œuvrer pour la paix. En 1973, avec les accords de Paris, cessait la guerre du Vietnam. J’ai la faiblesse de croire que les images rapportées par Larry Burrows pendant le conflit au Vietnam auront contribué à ce que cette guerre se termine.
Le travail de Larry Burrows ne se limite pas à ses clichés de guerre. Il faut aussi prendre la peine de découvrir tout ce qu’il a réalisé en Angleterre lorsqu’à seize ans il s’était fait embaucher à la rédaction londonienne de Life magazine, d’abord pour réaliser des tirages en labo puis couvrir des reportages de terrain. Toute la période qui a précédé le travail de reporter de guerre, c’est à dire avant 1962, donne un éclairage particulièrement savoureux sur le regard tendre mâtiné de compassion de Larry Burrows sur la société aristocratique et politique du Royaume Uni. Ses photos de la vie politique à Londres, en particulier les clichés de Winston Churchill sont un témoignage d’une qualité rare. Burrows a couvert la confrontation anglo-égyptienne sur le canal de Suez en 1951, la guerre civile au Liban en 1958, les émeutes au Congo belge en 1960, le conflit de frontières entre l’Inde et la Chine en 1962, puis la guerre du Vietnam. À chaque fois, la même précision, la même rigueur, le même talent et une compassion toujours intacte.
Larry Burrows c’était bien plus que le photographe de compassion que j’admire tant, une personnalité forte, un sacré bonhomme qui ne se la racontait pas. Côté matos il bossait en Leica et en Nikon. À propos de son matériel il disait, en 1966 : « Je suis très heureux avec le matériel que j’ai. Tout ce dont j’ai besoin, c’est du temps et de la patience pour l’utiliser complètement, avec en plus le bon Dieu à mes côtés, pour m’aider avec les problèmes de lumière, pour faire bouger le soleil et la lune et les étoiles dans les positions de mon choix. » Larry Burrows préférait travailler en solitaire et pour cela il donnait de bonnes raisons : « Un homme seul est une cible moins facile. Un hélicoptère devrait toujours avoir une seule place libre. » Quand on le pressait de questions, il y avait une autre raison que Larry avouait en souriant. il goûtait assez peu d’avoir un journaliste mangeant l’espace où il devait faire des images. D’ailleurs il confessait qu’il n’aimait pas les mots, particulièrement si cela devait être au détriment de l’image.
Le 10 février 1971, Larry Burrows embarque dans un hélicoptère, en compagnie des photographes Henri Huet, Kent Potter et Keisaburo Shimamoto, pour un vol vers le Laos dont ils ne reviendront pas vivants. Un jour qu’on évoquait devant lui les dangers de son métier de photographe, Larry Burrows avait répondu : « Je ferai ce qu’il faut pour montrer ce qui s’est passé. J’ai un sens de la mort ultime ! » avant d’ajouter, comme un défi à la mort « To hell with that ! »
• Le nom de Larry Burrows est inscrit sur le mur du Newseum à Washington D.C.
patrice cotteau dit
« On » aurait retrouvé ses Leica dans la jungle, à l’endroit du crash de l’hélicoptère. Information parue il y a un an ou deux. A voir…
harvey dit
« Vingt-cinq ans plus tard, en 1996, le lieu du crash fut localisé. Deux ans plus tard, on retrouva des débris, notamment un morceau de Leica M3 dont le numéro de série confirma qu’il avait bien appartenu à Larry Burrows. En 2008, une boîte en acier contenant ce qui avait été récupéré sur le lieu de crash a été scellée au pied d’une dalle de verre portant les noms des 1843 journalistes morts en faisant leur travail de journaliste… »
http://www.shots.fr/2011/02/10/hommage-a-larry-burrows-photographe-de-guerre-et-homme-de-paix-1926-1971/
patrice cotteau dit
Merci.