C’est un bouquin vraiment étrange que j’ai reçu au courrier. Un livre édité par Gallimard jeunesse, au titre pour le moins mystérieux, Les Milliminis: La nouvelle maison, dû au talent conjugué d’une photographe et d’une raconteuse d’histoire à l’imagination débordante. Anne du Chastel c’est une peu une Lewis Caroll en jupons, qui, à l’image d’Alice, a décidé de rapetisser au point de devenir moins grande qu’un brin d’herbe. Avec les personnages des milliminis, on plonge au cœur d’un pays des merveilles à la fois étrange et fascinant.
À la découverte du petit monde des milliminis
Ce qui est amusant et en même temps intriguant, pour le photographe que je suis et indubitablement l’enfant que je suis resté, c’est que le beau livre d’Anne du Chastel m’offre une double lecture. D’abord, le regard de l’enfant, qui ne se préocuppe guère de la façon de faire et qui plonge illico dans l’histoire, qui part à la découverte de ce petit monde juché dans le tréfond du jardin ou de la forêt. On suit les aventures de Petit-Jean, Lili, Bébé et Carlotta, de minuscules poupées de chiffon qui prennent le thé et mangent des gâteaux au creux d’un arbre. L’esprit d’Alice n’est jamais très loin de cet univers imaginaire peuplé de coccinelles, de lapins, d’escargots, de tortues. Un pays où les enfants font la sieste entre deux pétales de renoncules ou traversent une flaque d’eau dans une cosse de petit pois transformée en canoé…
De l’autre côté du miroir (si j’ose dire), il y a le regard du photographe qui réalise les trésors d’ingéniosité que l’auteure a dû déployer pour créer ce petit monde, les décors, les personnages. J’imagine assez bien les difficultés rencontrées par Anne du Chastel pour mettre en scène ses personnages, toute la patience déployée pour agencer ses minuscules poupées de chiffon avec des êtres vivants par définition aussi instables qu’un lapin, une tortue ou un escargot, ou pour créer le décor constitué d’objets rikikis rase-moquettes.
Le résultat c’est ce beau et grand livre, où la photographie a la part belle et où le texte vient en appui, très discrètement. Histoire de laisser aux jeunes lecteurs la possibilité d’inventer ses histoires et de déchiffrer les images. Car finalement les Milliminis c’est un peu ça. C’est une porte ouverte sur un autre monde, un monde magique fait d’inconnu et de découvertes. Un monde révélé grâce à la photographie et la patience d’une véritable artiste.
• Les Milliminis par Anne du Chastel, publié par Gallimard Jeunesse a reçu le Prix Petit Angle 2015.