Photographe animalier, au service de la nature.
Il s’appelle Serge Jolivel. Un photographe animalier, dans le sens le plus noble du terme. Je le connais depuis des années, on a partagé les mêmes fosses, les mêmes galères aussi. Un sacré personnage, le gars, si vous l’avez croisé un jour vous n’avez pas pu l’oublier. Son truc, c’est l’animalier même s’il ne dédaigne pas de traquer la bête de concert, aussi. La musique, cet ancien batteur il connaît un peu. Serge a été le premier, un des seuls, à poser sa main sur mon épaule quand j’étais en plein désarroi, quand j’étais abruti par le stress, la fatigue, désemparé devant les merdes techniques rencontrées avec un reflex retort, hors de contrôle, capable des pires excentricités. À l’époque où nombre de crétins me disaient que j’étais un fada, un incapable, un incompétent, que si mon reflex se comportait comme une merde c’était de ma faute, Serge fut le seul à me dire que non, que je n’étais pas seul, que ce reflex aux comportements erratiques était capable des pires dysfonctionnements, comme l’avait été EOS 1D Mark III en son temps. Quand on est au fond du trou, un mec comme lui, c’est de l’oxygène. Un type entier, généreux, volubile, entièrement dévoué à la passion de l’image. Je ne compte pas, non plus, le nombre de fois où nous nous sommes engueulés, où l’on s’évitait soigneusement du regard et ça a duré quelques années. Mais on a fini par se retrouver, dans la fosse des Vieilles, à Glenmor, réunis par notre passion commune et notre sens de l’humour à décorner les bœufs.
On avait fini par rejoindre Nikon, l’un comme l’autre. Parce qu’aujourd’hui on pense, à juste titre, que c’est la marque de référence la plus aboutie en matière d’autofocus. Loin de moi l’idée de rallumer un quelconque débat ou une petite guerre sur le sujet. D’ailleurs, un autre ami photographe, qui a récemment switché de Nikon à Canon (il avait un D4 qu’il a revendu pour acheter un EOS 1Dx) me confiait que si son niveau de satisfaction global vis à vis de Canon était très élevé, il gardait pour Nikon un attachement sincère, en particulier sur le point sensible de l’autofocus. En clair (si j’ose dire), il n’a pas retrouvé avec Canon la qualité, la pertinence, la rapidité et la réactivité de l’AF estampillé Nikon qui procurent à la marque jaune une avance et une prépondérance dans le domaine de la précision de la mise au point. Pour en revenir à Serge qui est équipé d’un Nikon D4, j’évoquais avec lui différents aspects de ce reflex, sensiblement controversé lors de son introduction. Il confirme.
« Dans les premiers jours d’utilisation, c’était une vraie cata. Mon D4 était loin derrière mon D700, en matière de mise au point, une vraie misère ! Et puis j’ai essayé de comprendre… On ne paramètre pas un D4 comme n’importe quel boîtier lambda. » Je comprends d’autant mieux ce point de vue que j’ai écrit un article sur le sujet (les killer tips pour Nikon D4). Serge m’a aussi expliqué la nécessité de la calibration précise du boîtier. « C’est une étape indispensable. La précision et la justesse de la mise au point sont un paramètre vital, surtout quand tu fais de l’animalier, tu ne peux pas te permettre de l’ignorer ou alors la sanction tombe. Si c’est pas net, t’es aux fraises ! » Serge, détenteur d’une carte Titanium a renvoyé son D4 chez Nikon Pro. Le résultat ? « Énorme ! Une précision tirée au cordeau. Quand tu utilises comme moi Nikkor 600mm f/4 VRII monté sur un D4, que tu as cette capacité à aller chercher le point avec une précision affolante, notamment en AF-C suivi 3D qui est mon mode de travail de prédilection, c’est un vrai privilège ! Bref, après la calibration, j’ai retrouvé un AF vraiment digne de Nikon… » Avec Serge, on évoque aussi Nikon D4s. « Il y a des compétitions sportives qui s’annoncent, j’imagine que c’est un calendrier que Nikon ne peut pas rater… Mais honnêtement, quand tu es content de ton reflex et que tu l’as bien en mains, les nouveautés ont nettement moins d’importance ! C’est qu’un outil finalement…» On s’est aussi rappelé nos souvenirs communs, du temps où on découvrait le numérique avec les premiers EOS, il y a une dizaine d’années. « Tu as regardé le bruit de tes clichés tapés à 1600iso avec un EOS 20D ? C’est la Bérézina ! » Il a raison, l’œil s’habitue. Non, en fait l’œil s’affûte, le regard devient exigeant. On se souvient d’avoir découvert, éberlués, les premiers clichés réalisés à 6400iso avec un D700. Puis sont venus D3s et D4. Le temps a passé, le niveau d’exigence de l’œil allant crescendo, on a commencé à percevoir du bruit dans nos clichés à 3200iso. C’est normal. C’est la dictature de l’œil, la tyrannie du regard. À force d’évoluer dans l’excellence technique, on y prend goût, on s’habitue, on s’accoutume.
La photographie animalière, telle que la pratique Serge Jolivel, c’est plus qu’une passion. Un sacerdoce. Il faut non seulement maîtriser parfaitement les arcanes de la technique photographique mais aussi être doté d’une infinie patience, être un serviteur de la nature, l’aimer, la respecter. C’est cet amour qui transpire dans les clichés signés de la main de Serge Jolivel. En écrivant cet article, je me suis posé devant son portfolio en ligne, pour savourer ce temps qui suspend son vol. Des oiseaux, quelques clichés exceptionnels, un cormoran à l’œil d’émeraude, un rapace, une aigrette qui nourrit ses petits, un goéland qui prend son envol. Des renardeaux, des chevreuils, une laie suivie de ses marcassins, la silhouette d’un renard au soleil couchant. J’imagine les heures passées par Serge dans son affût, seul, l’œil rivé au D4 engoncé dans sa housse anti-bruit, le 600mm fixé à la tête pendulaire du trépied carbonne, à attendre, encore et encore. Des heures d’attente, dans un silence monacal, pour fixer un instant d’éternité, le bonheur de découvrir l’image, dans Capture NX2. Pourquoi avoir choisi CNX2 ? « Parce que c’est le seul logiciel qui comprenne vraiment mes fichiers NEF, tiens ! » Voilà, on tient le bonhomme. Ne cherchez pas plus loin. Serge Jolivel est un terrien plein de bon sens, une grande gueule tendre à qui la nature impose le silence. Cet homme de la terre, passionné de nature, est viscéralement attaché à son environnement, à sa planète. Et ses clichés sont à son image.
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