Je vous fais le pitch. Un homme marche dans une forêt. Ambiance cool, calme, champêtre. Pour un peu on entendrait Gégé lui dire « On n’est pas bien là hein ? Paisibles, à la fraiche, décontractés du gland… » Mais non, pas de Gégé, juste ce jeune et beau mâle, bien propre sur lui, digne représentant de la génération X, qui marche seul, faisant craquer le sol sous ses pas. Qui est-il ? Où va-t-il ? Que cherche-t-il ? On ne va pas tarder à le savoir. Il observe l’environnement, regarde benoîtement la cime des arbres et semble se dire que, décidément, c’est drôlement ben foutu la nature. Il a autour du cou un appareil photo Nikon, on le sait parce que c’est écrit Nikon dessus, on imagine donc que le but de la promenade c’est de faire des photos. Oui, faire des photos, puisque selon une récente étude, faire des photos ça rend les gens heureux. Cela dit, si c’est pour traquer la galinette cendrée, il faudrait juste lui dire qu’il est mal barré avec ce qui ressemble à un 35 voire à un 50mm. Il s’est arrêté, subjugué qu’il est par tant de beauté. Pas un bruit, juste celui de ses pas dans la forêt. Il s’avance puis marque une pause, éberlué devant la beauté stupéfiante du spectacle, qui le laisse pantois. Une rivière où deux clampins taquinent le goujon. Quelques notes de piano, façon prélude de Chopin, le chant d’une rivière, il oublie la ville, le bureau, le temps d’un instant il se dit qu’il a bien fait de couper par le parc et dans un élan de lyrisme, il vise et capture cette image d’absolue sérénité. Le déclenchement n’est pas des plus discrets, mais c’est pas grave. Fondu au noir. Une voix off nous explique, en deux mots, qu’une bonne photo récompense tout puis apparaissent les mots « pure photography » immédiatement suivi du logo Nikon. Coupez ! C’est dans la boîte.
Ainsi donc, cette campagne de teasing orchestré par la marque jaune confirmerait qu’un truc se prépare. Un truc ? Oui, quelque chose de résolument inédit, qui occuperait un segment de marché, comme on dit au service marketing. Un appareil photo numérique hybride, doté d’un capteur plein format 24 x 36, carrossé dans un look vintage. Ainsi donc Nikon préparerait un genre de retour vers le futur, comme un voyage, un retour aux sources de la photographie, aux fondamentaux. Back to basis. Proposer à une clientèle qui n’a jamais connu que le numérique, qui fantasme sur les appareils argentiques tout en acier qui pesaient une tonne et coûtaient une blinde, un APN avec une gueule d’autrefois ? Nikon, comme les autres, observe, scrute les tendances, analyse les segments de marché avec acuité. Le retour à l’argentique, le mouvement croire dans le film, les pelloches dans le bas du frigo, la chimie qui schlingue et qui brûle les doigts, le retour des cuves à spirales Jobo, avouons-le, tout cela est très tendance. Et du côté des constructeurs, le fantasme Leica a inspiré Fujifilm qui s’est taillé de belles croupières, dans un marché du numérique bousculé par les smartphones, en proposant sa gamme Finepix, comme un Canada dry de Leica au look vintage. Est-ce que Nikon est capable de faire aussi bien que Fujifilm, de proposer à son tour un boîtier avec une gueule old style, à une clientèle avide de nouvelles sensations ? La question ne se pose même pas. Nikon sait faire et même mieux que ça. Sauf qu’au chapitre hybride, souvenez-vous, Nikon a déjà donné avec le succès que l’on sait. Alors tant qu’à faire, marchons dans les pas de la firme de Wetzlar et proposons un APN avec un capteur, un vrai, un maousse capteur fullframe. Après tout, Nikon v1 était équipé d’un capteur rikiki avec son facteur de crop de 2,7 puis il y a eu Coolpix A avec son capteur APS-C, alors aujourd’hui un hybride mirrorless plein format ça se tente. Mais comme disait Emmett Brown, tant qu’à faire une machine à voyager dans le temps, « autant que ça ait d’la gueule ! » Un hybride full frame avec une dégaine de boîtier Nikon F et une gueule folle, voilà une double proposition qui pourrait tenter pas mal de youngsters avides de sensations et de street photographie (très tendance aussi). Comme moi, vous êtes septique mais vous demandez à voir. Après tout, souvenez-vous qu’il y a peu, personne n’aurait parié un kopek sur le retour du vinyle. Bien sûr, tout cela a un prix. Qui dit boîtier d’exception induit un prix à la hauteur. D’ailleurs entre nous, ce qui fait le chic absolu d’un Leica M9, ce qui en fait un définitif must have n’est-il pas en partie son prix ? Un peu comme de dégainer sa carte Infinite.
Pure photography. Nikon annonce clairement la couleur, on va parler de photographie et exclusivement de photographie. Pas de vidéo, non de photographie. Avec ce projet qui demeure d’abord une rumeur, peut-être désormais relayé par une campagne de teasing comme Nikon sait si bien les faire, on est de retour du futur, on revient au standard, à la base. Un hybride plein format, carrossé vintage, utilisant quelles optiques ? La même gamme, j’espère, que celles utilisées sur Nikon v1 et sans doute un adaptateur pour pouvoir utiliser les optiques Nikkor, ça serait très chouette. Je me suis souvent dit qu’un jour ou l’autre mon reflex deviendrait trop lourd et que ce jour-là, comme le suggérait un ami photographe, il serait temps de raccrocher. Je me verrais bien continuer à faire des photos de temps en temps, avec un boîtier léger et discret. Jusqu’à maintenant, j’avais imaginé acheter un Leica, en souvenir du Leica M3 de Larry Burrows, le héros de mon adolescence… Mais si Nikon me propose une alternative intéressante d’ici là, je n’hésiterai pas un seul instant. Et j’embarquerai sans l’ombre d’une hésitation dans la DeLorean, histoire de continuer le voyage, la quête vers vers le bon cliché, celui qui récompense tout.
• le cliché d’illustration est extrait de la page dédiée par Nikon à la campagne Pure photography.