Je me souviens d’une discussion avec toi. Une de ces discussions d’avant-concert comme on en a eu des centaines, depuis plus de dix ans où on se croisait, chez nous, ici au Cabaret Vauban. Oui chez nous parce qu’ici, tu étais chez toi, d’ailleurs tu étais beaucoup plus que le sonorisateur attitré de l’endroit, au même titre que Gilbert l’était aux lumières. Quand j’arrivais et que je vous voyais, Gilbert et toi, prendre le café , j’aimais bien te demander si ça jouait. Et invariablement tu répondais « Ah ! Vévé ça risque pas de jouer tant qu’on est là ! » Quand j’entrais dans la brasserie du Vauban, les soirs de concerts, je jetais un rapide coup d’œil, juste histoire de savoir si mes deux compagnons étaient là. Pour moi, la présence de mes deux acolytes était au moins aussi naturelle que de descendre les escaliers pour aller faire des clichés. Voilà, c’est ça. On faisait partie du décor. Toi, derrière ta console pleine de boutons et Gilbert, aux manettes des lumières. Tous les deux, vous étiez mes piliers, mes repères, ma boussole. Que l’un des deux manque et c’était une excellente raison pour moi d’être contrarié.
Ce soir-là, il y a quelques années, je t’avais dit que quand j’aurais cassé ma pipe, j’aimerais qu’on planque mon urne funéraire derrière un lampadaire du Vauban pour continuer, post mortem, à assister aux concerts. Ça t’avait fait marrer. On avait parlé de celles et ceux qui avaient marqué l’histoire du Vauban, pour qui j’avais écrit un texte d’hommage qui s’était retrouvé placardé sur le pilier central du bar de la brasserie. Petit Jo, Dédé la fleur et puis Brigitte, bien sûr. Nos yeux avaient brillé, on s’était marrés, on avait évoqué nos souvenirs d’anciens combattants. Je ne pouvais pas imaginer qu’un jour proche j’écrirai ton hommage et que viendrait ton tour d’être affiché sur le pilier central. Mais je te rassure mon ami, ainsi finit l’histoire. J’aurais juste aimé que la tienne dure un peu plus longtemps, qu’un jour avec l’équipage du Vauban on te voit partir en retraite, qu’on te fête, qu’on fasse un gros concert, qu’on monte le potard au delà de 105dB, avec de bonnes grosses lights comme seul Gilbert sait en faire, du vert, du bleu, du blanc en retour façade mais pas de rouge s’il vous plaît. Tout est dit. Quel privilège ce fut, pour moi, de faire équipe avec des mecs comme vous, au Vauban…
J’ai lu ici et là quelque hommage définitif disant que désormais, sans toi, plus rien ne serait jamais pareil, au Cabaret Vauban. Pour bien te connaître, je sais que ça aussi ça t’aurait bien fait marrer. Comme moi, tu sais que sur ce rafiot, quand un membre d’équipage lâche le bout, il y a toujours un matelot pour prendre sa place. Le Vauban continuera à voguer, sans toi, sans Gilbert, sans moi et même un jour sans Charles, le capitaine toujours à la manœuvre. Seul le Vauban est irremplaçable. Mais une chose est sûre. Le Vauban, lui, ne t’oubliera pas. On n’oubliera pas tes sourires et ton rire et ton amour incommensurable pour la scène et les artistes, tous les artistes, les débutants et ceux qui un jour l’ont été. Ce matin, dans le journal, je lisais que Georges Descrières a quitté la scène, samedi. Faisant allusion à Arsène Lupin, le journaliste a joliment titré « La mort d’un gentleman ». Voilà, je crois, un mot qui te sied à merveille. Tu étais notre gentleman sonorisateur, élégant, posé, poli, souriant, patient aussi mais intransigeant. « Il faut que ça soit bien, tant qu’à faire. » aimais-tu répéter. Des souvenirs de toi, sur scène, j’en ai plein ma besace. J’en garde un, en particulier, pour lequel j’ai une affection particulière. Pendant les balances de Napoleon Maddox, le 21 octobre 2011, pendant Atlantique jazz festival, il y a deux ans, pile-poil. Tu es là sur scène, au chevet de l’artiste, attentif, à l’écoute du son, mettant le meilleur de toi-même pour que ça soit bon. Pour toi, Dom, ce soir, le Cabaret Vauban brille comme jamais. Ce soir, c’est blindé. Le lighteux va balancer ce qu’il a, au son on va pousser les potards et sur scène les zicos vont envoyer du lourd. Le photographe, lui, il prendra ce qu’il pourra. On va faire tout ce qu’il faut pour que ça soit bien, tant qu’à faire. Encore.
• photo : Dom Girard avec Napoleon Maddox au Cabaret Vauban. Atlantique jazz festival, 21 octobre 2011
guillerm stephane dit
Super hommage…il va nous manquer notre pote Dom, aimé de tous les zicos et non zicos,je lui dirai une dernière fois au revoir mercredi matin, mais il restera toujours dans mon coeur et quand on jouera avec la « grosse sono » je jetterai toujours un oeil, au cas où il soit derrière la console… Il est parti rejoindre son pote Robby et son Bob (mon père), lesquels prendront soin de lui et c’est à eux maintenant de faire du « son » là haut… RIP mon ami.
Steff G
JANICK dit
quelle belle bafouille hervé,
tu as su trouver les mots,
J’ai envie de croire que Dom sera toujours un peu avec nous dans cette p…. de salle de concerts.
harvey dit
Oui, absolument. Dom sera toujours des nôtres au Vauban.