On a beaucoup écrit, beaucoup parlé sur Canon EOS 1D Mark IV. Pour ma part, après avoir testé Nikon D3s en décembre dernier (avec le soutien de Nikon France), j’avais décidé d’un blackout total sur le sujet EOS, tant que je n’avais pas moi-même testé le nouveau haut de gamme de la marque rouge. Il faut dire que l’épisode 5D Mark II m’avait sensiblement refroidi et je ne fais pas seulement référence aux problèmes récurrents rencontrés sur mon boîtier. S’exprimer publiquement sur le sujet, c’est s’exposer à la vindicte d’une caste de tiffosis de la marque rouge, avec des réactions pour le moins virulentes, c’est rien de le dire. Qu’importe. Il en faut plus pour m’atteindre et accessoirement pour entamer la confiance que j’ai en Canon, depuis un bail. Profitant de la disponibilité d’un boîtier sur une période de festivals, j’ai donc pu tester le nouvel EOS 1D avec mes conditions de prise de vue. Canon France m’a confié un EOS 1D Mark IV ainsi que le nouveau 70-200 2,8L IS II et un 24-105 f4. Avant la prise de vue proprement dite, je me suis offert un après-midi de prise en main, à tête reposée, une période que j’ai consacrée à la découverte du boîtier, lecture intégrale du manuel en sus, ce qui n’est pas un luxe. Les fonctions personnalisées de ce boîtier permettent au photographe le plus exigeant de pousser sa personnalisation dans ses réglages les plus fins. Une fois que j’avais fait le tour d’EOS, il ne restait plus qu’à le voir évoluer sur le terrain.
• Modalités du banc d’essai
Les tests se sont déroulés sur quinze jours, en plusieurs phases. J’ai souhaité confronter EOS 1D Mark IV à des conditions de prises de vue réelles et je pense que c’est ce qui a motivé Canon France en me confiant ce matériel. J’ai d’abord utilisé 1D Mark IV en photographie de concert : en festival d’abord, puis dans une grande salle dôtée de plans de feux puissants (la Carène), enfin dans deux salles de petite jauge (le Vauban et le Run ar Puñs). Ensuite j’ai souhaité tester le mode AI servo, histoire de faire le point (si j’ose dire) sur la capacité de l’autofocus du 1D à assurer le suivi et à produire des images nettes. J’ai également fait quelques portraits en extérieur, ainsi qu’une session de karting et de football américain, pour le côté sportif. Enfin, j’ai réalisé le test du pot de fleur (gestion des hauts ISO) dans des conditions de prises de vue identiques à celle du Nikon D3s, histoire de comparer les deux. Je vais vous parler de tout ça, dans les jours qui viennent, de mon ressenti sur le nouveau haut de gamme signé Canon. Et on commence tout de suite par mon domaine de prédilection, la photo de concert.
• Prise en main de l’EOS 1D Mark IV
Vendredi 9 avril 2010, festival Yakayalé, premier jour. J’ai rendez-vous avec Eiffel, Iggy and the Stooges, Gaëtan Roussel, No one is innocent. Un plateau garni avec tout ce qu’il faut pour bien bosser. Dans la fosse, un rapide coup d’oeil. Côté matos, sur la dizaine de photographes présents, on est deux photographes équipés en Canon, tous les autres sont en jaune. Petit moment de solitude, mais au fond sans grande importance. En ouverture c’est Mike Guerrand qui s’y colle. Les lights sont un peu molles, le sujet est fixe, guitare acoustique. Mais ça ne va pas durer. Gaëtan Roussel (ex Louise Attaque) prend la suite. Pas de folie côté réglages. Mode manuel, one shot, collimateur central avec option gauche/droite en mode paysage, haut/droit en mode portrait. Si le collimateur central n’accroche pas le focus, 1D Mark IV utilise un automatiquement un autre spot dans les environs proches. Premier constat, l’autofocus accroche bien, il est très rapide pour ne pas dire instantané. De ce côté-là, les efforts de Canon semblent payants. J’utilise assez peu la prise de vues en rafale, d’autant que sur EOS 1D Mark IV la rafale ça balance 10 images par seconde. J’ai paramétré le boîtier à 4 fps pour le mode L et 7fps pour le mode H, ce qui évite un engloutissement d’images, d’autant que le déclencheur est très sensible (mais je pense que ce très léger défaut vient de ce boîtier qui a peut-être été testé par un utilisateur quelque peu bourrin). J’utilise une carte Sandisk Extreme III 16Go qui étale bien et j’ai shooté en Raw sur l’ensemble de la session. À propos de format de carte, 1D Mark IV propose deux slots, une carte CF et une carte SD, je préfère nettement l’option choisie par Nikon sur le D3s avec deux formats de cartes identiques (CF). Du côté de la prise en main et du ressenti, rien que du très bon. Je me suis senti immédiatement à l’aise, il ne m’a guère fallu plus de quelques dizaines de clichés pour me sentir bien, serein. EOS 1D Mark IV est merveilleusement ergonomique, le viseur est clair, les commandes sont très intuitives et encore une fois paramétrables à l’envi. L’affectation de la touche Set aux changements d’iso permet d’évoluer rapido en sensibilité sans quitter l’oeil du viseur et puisque j’en suis à parler d’iso, je ne suis pas monté au delà de 3200iso pendant ce festival.
• Côté lumière, EOS 1D Mark IV est (très) exigeant
Pendant la prise de vue en concert, j’évite généralement la visualisation sur l’écran 3 pouces. Il n’y a rien de moins casse-gueule que d’imaginer qu’un shoot est dans la boîte parce que sa preview est flatteuse. En revanche avec un peu d’habitude, on voit tout de suite si ça tape ou pas. Avec le Mark IV, dans des conditions d’éclairage difficiles, des zones d’ombres, le boîtier exige de la lumière. À pleine ouverture, à une vitesse inférieure à 1/200ème, l’image a tendance à se ramollir, le focus à devenir hésitant sans que ce soit systématique. En revanche, dès que l’éclairage se stabilise sans être trop erratique, dès lors qu’on peut monter un peu en vitesse et réduire la toile autour de f4, alors là mes aïeux ! EOS 1D Mark IV est capable de flamboyance, surtout s’il est bien accompagné. Ça tombe bien, pour cette session, Canon France m’a proposé d’embarquer le nouveau 70-200 2,8L IS II. À ce propos, je me demandais comment Canon pouvait améliorer la perfection d’un caillou aussi merveilleusement polyvalent que le 70-200 2,8L IS. Je confirme. Ils l’ont fait. De cette osmose lumières, diaph, vitesse, le tandem 1D Mark IV + 70-200 série II est capable de produire une image piquée, avec un contraste et une netteté au rendez-vous. D’ailleurs les tests que j’ai pu réaliser en extérieur et en lumière du jour sont sans appel. En mode portrait comme en mode reportage la qualité EOS 1D Mark IV est bien au rendez-vous, avec une image piquée, détaillée, contrastée. J’imagine qu’en studio et en éclairage contrôlé, cet EOS 1D devrait également donner d’excellents résultats.
• La part d’ombre du Mark IV
Venons-en maintenant aux sujets qui fâchent, à commencer par la gestion des hautes sensibilités. Soyons clairs (si j’ose dire). Sur 1D Mark IV, le grain est un poil visible dès 3200iso. L’ayant constaté sur mon premier shooting (Coeur de Pirate), j’ai soigneusement éviter de pousser la molette au delà de 3200. De ce point de vue, la déception est à la hauteur de l’attente, d’autant qu’en face, chez Nikon, le D3s est capable de produire une image exempte de grain jusqu’à 12800iso. Dans mes tests du D3s, en décembre dernier, j’avais réalisé un cliché de nuit, à 25600iso avec un niveau de grain très acceptable. On se demande pourquoi Canon a intégré une plage qui va de 50 à plus de 100Kiso, quand on constate qu’à partir de 3200 on est déjà le nez dedans ! Côté hauts iso, donc, rien à attendre de magique sur Mark IV. Au Run ar Puñs, en conditions de lumière difficiles, j’ai tapé à 10000iso, histoire de voir. Le grain est nettement perceptible, même si l’image demeure acceptable. Sur le point de la présence de grain, certains avancent l’argument qu’on ne peut pas comparer les images produites par le capteur APS-H 16mp de 1D Mark IV d’un côté et par le capteur fullframe12mp de Nikon D3s de l’autre, un argument valide. Puisqu’on en est à parler taille de capteur, dans certains cadrages j’ai regretté l’absence du plein format et dans d’autres je me suis réjoui d’un coeff 1,3. Sur ce point précis, le choix de l’APS-H par Canon n’est pas du tout handicapant. En revanche, dans les zones d’ombre ou en conditions de lumière difficiles, on peut siffler la fin de la récré. L’AF devient hésitant, les images sont molles, manquent de netteté, de contraste. Là où on peut monter en iso sur un D3s (jusqu’à 12800 à l’aise), on est quasiment cantoné à 6400iso sur 1D Mark IV. C’est là, dans des conditions de lumière difficiles, que le boîtier de Canon révèle quelques faiblesses.
• 1D Mark IV, j’ai aimé
D’abord j’aime la « Canon touch« , ce truc indéfinissable qui fait que vous savez immédiatement que vous avez affaire à un capteur signé Canon. Une certaine chaleur de l’image, un rendu des couleurs qui peut s’avérer littéralement somptueux. Ensuite les fonctions personnalisées, très étendues, qui permettent au photographe le plus méticuleux de paramétrer « son » Mark IV avec une précision diabolique. L’autofocus étale bien, surtout en conditions de lumières stables. Le mode silencieux, pratique pour shooter discrètement. Ce boîtier (nécessairement équipé d’optiques à la hauteur, comprendre gamme L exclusivement) ravira les photographes de studio autant que les photographes de reportage, de mariage et les photographes sportifs (à venir un test photos de sport sur Shots). J’aime aussi beaucoup le capteur 16mp, une taille idéale, qui permettra de cropper sans trop de casse et capable de générer, lorsque les conditions sont réunies, des images d’un piqué, d’une netteté et d’un contraste véritablement enthousiasmantes !
• 1D Mark IV, j’ai moins aimé
La gestion des hautes sensibilités où Canon met à côté, avec du grain dès 3200iso. La perdition dans les zones d’ombres. Dès lors que les lumières deviennent un peu délicates, le fonctionnement de 1D Mark IV devient erratique : perte du focus, images molles. À grande ouverture (f2,8) et à faible vitesse (1/100ème et en dessous) 1D Mark IV met à côté quasi systématiquement. J’attendais un viseur 100% et un capteur fullframe sur un boîtier de ce calibre (et de ce prix), même si le ressenti du capteur APS-H est quasiment identique à un capteur FF.
• Prochaine étape, le test photo de sport : mode AI servo et suivi autofocus.
• cliché : Pony pony run run au festival Yakayalé (EOS 1D Mark IV + Canon EF 70-200 2,8L IS II. 3200iso, 70mm 1/400e f/2,8). Iggy Pop (EOS 1D Mark IV + Canon EF 70-200 2,8L IS II. 1600iso, 85mm 1/200e f/2,8).
Murci dit
Je passe de plus en plus régulièrement sur ce site et j’en profite pour laisser un petit message.
Merci pour cet article de qualité, très agréable à lire comme souvent d’ailleurs.
J’en profite pour poser une petite question.
N’aura t’on pas la réponse à propos de la gestion du bruit avec le futur 1Ds qui ne devrait tarder si je ne me trompe pas. Ainsi, on pourra comparer directement deux capteurs FF ?
Même si un tel boîtier est totalement hors budget et hors compétences pour moi, j’attends avec impatience les prochains articles.
Claire dit
merci pour cet article super complet et qui donne vraiment envie de tester le mark 4. En fait si je résume, à vous lire ce boîtier semble très polyvalent, on a l’impression que votre seule réserve c’est justement… la photo de concerts. Je me trompe ?
BuffaLaurent dit
@Murci: quand le 1Ds sortira, si, il sera possible de le comparer au D3s de nikon. Mais les tarifs des deux boitîers ne sont pas vraiment les même, il me semble…
@Harvey: Merci d’avoir mis tes shots sur cinquième nuit, ça faisait longtemps que tu n’avais pas mis de nouvelles photos 😉
harvey dit
@Murci j’espère pouvoir tester EOS 1DS Mark IV si l’occasion se présente et si Canon France le souhaite. Comme le souligne Laurent, 1DS IV et D3s ne sont pas dans la même ligne tarifaire ! Environ 4300€ pour le D3s (même prix que le 1D IV) alors qu’on peut s’attendre à un prix d’introduction oscillant entre 8000 et 10000€ pour le 1DS Mark IV et une liste de specs longue comme le bras. Je pense que Canon va nous sortir un boîtier tellement hors norme qu’il sera impossible de faire un comparatif, simplement parce que le boîtier 1DS Mark IV n’aura aucun équivalent sur le marché.
@Claire je n’ai pas autant de réserves que je l’aurais imaginé, en fait, avec 1D Mark IV. C’est vrai que j’ai une petite déception par rapport à la gestion des hautes sensibilités, mais encore une fois, au risque de me répéter, EOS 1D IV est vraiment capable de flamboyance.
@Laurent de rien c’était un vrai bonheur de retrouver le chemin des concerts, surtout avec un matos comme celui-là. Je suis assez content de certains clichés, notamment ceux d’Iggy et puis j’ai encore deux séries de Yakayalé à mettre en ligne (Pony pony run run, Beat assailant), plus le test au Run ar Puns à 10K iso.
BuffaLaurent dit
Oui, j’aime beaucoup les clichés d’Iggy (celui de ce post est …), ton premier cliché de coeur de pirate, ainsi que la puissance et folie qui se dégage de tes clichés d’Eiffel!!!