Je ne te connais pas, Ingrid Bétancourt. Je regarde un cliché, une photo de toi, une photo d’archives. Je ne te connais pas, la première fois que j’ai vu ton visage il était accroché à une façade et il était simplement écrit « libérez Ingrid Bétancourt ». Depuis j’en sais un peu plus sur toi. Je sais que tu as été enlevée par des gens qui se revendiquent de Marx, de Karl hein ? Pas de Groucho, quoique… Vu d’ici, je veux dire vu de la France (tu sais, la mère des droits de l’homme) la forêt colombienne où tu es détenue depuis tant d’années avec tes compagnes et compagnons de mauvaise fortune, c’est si loin. Dans les villes et les villages de France, les lumières scintillent, les familles et les amis se retrouvent, mais cette année je ne sais pas pourquoi, tout cela a un drôle de goût. Le vin est amère, les plats vaguement insipides et le sourire est de circonstance. Tout ça parce qu’une nana que je ne connais même pas est en train de moisir à quelques milliers de kilomètres d’ici, quelque part, paumée, oubliée dans une forêt au milieu de nulle part, dans le trou du cul du monde. Oubliée ? Pas vraiment. Je regarde le cliché Reuters, je me dis que tu es vivante et j’ai la faiblesse de croire que si nous sommes plusieurs, des milliers, des millions à demander ta libération, là, maintenant, tout de suite, on va finir par être entendu, enfin ? Ton retour parmi les tiens, ta famille, tes amis, en France. C’est tout. Monsieur Raul Reyes, libérez Ingrid Bétancourt. C’est tout ce que je veux pour Noël.
À propos Hervé LE GALL
Hervé "harvey" LE GALL, photographe auteur basé à Brest au début du monde. A trainé ses godasses et ses reflex dans la plupart des coins sombres de la région Bretagne. Photographe-maison du Cabaret Vauban, photographe officiel des Vieilles Charrues (entre autres). Intransigeant, il aime la photo, les lasagnes, le kouign amann et le Breizh Cola. Rédac chef de SHOTS.