Dimanche 19 juillet. Kerampuihl, vers 23:30. Ma tête dit à mes pieds d’avancer, mais mes jambes ne suivent pas. Ça, c’est l’effet Vieilles Charrues, au bout de quatre jours. Putain ! Quatre jours, mine de rien, ça te fusille un bonhomme, surtout quand il est photographe et qu’il trimballe ses kilos de matériel sur le dos. Et encore ! J’ai la chance d’avoir à mes côtés une assistante, régisseuse, manageuse de luxe, qui organise, planifie, porte mon sac vide, ma veste quand je suis dans la fosse. Sans ma moitié, les Charrues n’auraient pas la même saveur. Respect. Pas mal d’amour aussi ! Mais je m’égare, revenons au sujet. On a commencé avec Baba Salah, un groupe heureux et sautillant du Mali, de la joie de vivre pour commencer cette ultime journée. Pour un peu, on se croirait à Landaoudec, au festival du Bout du Monde. En route vers Kerouac où nous attend le gagnant du télé-crochet télévisuel Nouvelle star, Julien Doré, reçu major de la promotion Rock Academy (la même année que la sémillante Izia « bollocks » Higelin) option contorsion et grimpette de décor. Que veux-tu que j’te dise de ce mec ? Si je laisse aller ma plume, ça va vitrioler à tout va, donc on va passer à la suite. Juste un bémol, un néon annonce dans le décor Julien Doré and the Bash, comme si le garçon refusait encore et encore de capitaliser sur son nom seul, manque de maturité, sans doute. Les premiers rangs de minettes lui ont crié leur amour que c’en était touchant. Enfin ! Pour l’option sincérité, plaisir authentique, Julien pourra toujours venir prendre quelques conseils auprès de Lazhar, un groupe de purs et vrais héros du rock. Le combo brestois a envoyé un set ébouriffant, avec plein de nouveaux titres. Ça sonne et au risque de me répéter, il faut voir Lazhar en live. Grosse déception, le groupe n’a pas gagné le tremplin Jeunes Charrues, ce qui ne les empêchera nullement d’avancer. Je repars en chasse direction Kerouac et la Jamaïque avec Oh ! Mes petits frères et soeurs un set de reggae dub sound, Alborosie, là vous m’avez gâté. Bon, je redescends vers Glenmor avec le concert du gars Francis. Allez, autant le dire, Francis Cabrel assure le spectacle et avec trois fois rien, un regard, une mimique, un petit pas de deux, il fait le show. Cabrel, c’est la classe absolue, le bon goût de la France, l’élégance incarnée et un répertoire long comme le bras. Le concert des Charrues 2009, c’est lui. Le son parfait avec des zicos absolument en place, les lights juste ce qu’il faut. Un tout petit problème de guitare, réglé fissa par les techniciens, géré avec humour par un Francis Cabrel charismatique à souhait. Est-ce que ce monde est sérieux ? Semble se demander Francis en observant la plaine, avec des gens à perte de vue. « Ce festival est plus connu que les gens qui y passent » dit-il dans un sourire, en provoquant une énorme ovation. Je le répète, Cabrel c’est classieux. Je file backstage, je monte sur scène et je tape quelques clichés, juste pour le fun. Même dans le staff Cabrel il n’y a pas de tension, malgré l’incident guitare. Je reste un peu là, à écouter Cabrel, en spectateur privilégié. Je retourne sur Kerouac pour The Ting tings, déjà croisé à la Route du rock. Ils sont deux, un mec derrière les fûts et claviers avec ses jolies lunettes Ray Ban blanches et puis Katie White, en collant latex strass. C’est carré, efficace, visuellement splendide. Le son électro pop rock ne me touche pas, ne m’émeut pas, ne fait pas bouger mes pieds (ni le reste) qui, par ailleurs, commencent à singulièrement fatiguer. Une crêpe froment jambon-fromage plus tard (y’avait plus de blé noir), j’assiste au set des énervés de The Rakes. Alan Donohoe carbure toujours aux corn flakes avec une touche d’exta le matin, il a le même regard complètement halluciné. Sur scène ça envoit du bois et comme je suis client du groupe depuis Capture release, avec des titres aussi impérissables que 22 grand Job ou l’excellent Strasbourg (eins, zwei, drei, vier !), je continue de vivre le concert sur la plaine. Enfin, passé minuit, pas loin d’une heure, le festival clôture avec Moby qui nous offre un show à sa façon. Un truc (trop) parfait à l’évidence, avec le gars Moby qui court comme un dératé sur la scène, offrant un show décalé, avec des voix qu’on croirait tout droit extraites d’une bande play back. C’est vachement beau Moby en live, on dirait qu’il nous passe le CD. On sent que le gars veut que ça soit nickel chrome et donne le meilleur de lui-même. Si vous aimez Moby, allez-le voir en live ou bien écoutez une compil’ en vous projetant des diapositives sur le mur du salon tout en allumant quelques loupiottes rouges, vertes, bleues, jaunes, avec quelques potes pour faire l’ambiance, ça reviendra à peu de choses près au même. Allez ! Le plus dur reste à venir. Il faut maintenant quitter Carhaix, parce que les Vieilles Charrues 2009, c’est bel et bien fini. Eh ouais, the song is over. Quelques bises, des photos souvenirs. Je n’aime pas trop les adieux déchirants, comme disait le père d’Izia, dans un élan de sincérité « y’a des quais d’gare qui m’filent une méchante envie d’chialer » alors j’évite le plan quai de gare avecle train qui s’éloigne et mes potes qui agitent leur petit mouchoir blanc, en écrasant une larme de circonstance. De toutes façons, mes potes des Charrues savent déjà tout ça. On se dit à l’année prochaine, comme un rituel, pour l’édition 2010. Et sur la route, pas celle de Kerouac, la mienne, celle qui me ramène à Brest même (où il pleut, elle fait chier Barbara), je repense à ces gens du centre Bretagne, tous ces bénévoles qui font des Charrues un festival hors-norme, un moment privilégié de solidarité. Un putain de festival.