Nikon Z9 versus Canon R3. Rencontre au sommet.

Les choses sérieuses vont bientôt commencer. Dans quelques mois. Plus précisément à la fin de cette année 2021, lorsque les deux leaders historiques du segment photographie professionnelle vont se rencontrer et dégainer leurs flagships respectifs. Il y a d’abord eu la marque jaune qui a sorti sa pré-annonce avant tout le monde, histoire d’occuper le terrain, d’annoncer la couleur, et surtout de donner un signal fort à ses clients pros, en annonçant Nikon Z9. Comme souvent en pareil cas, la réponse du berger à la bergère ne s’est pas fait attendre. Canon a embrayé directement avec l’annonce de son EOS R3, un mois plus tard. Dans les deux cas, les marques se sont contentées de publier un visuel, sans vraiment jamais trop entrer dans le détail, tout en laissant présager, l’une comme l’autre, une liste de specs longue comme le bras. Laissant aussi entrevoir clairement qu’avec les flagships, nous allons entrer de plain pied dans une nouvelle ère, une ère où les machines vont vraiment tirer parti de l’obturateur électronique, de ses possibilités, tant en matière de cadence de capture d’image que de capacité à saisir au vol une image absolument nette.

Nikon Z9 vs Canon R3. La lutte finale

Finalement, le seul mirrorless haut de gamme disponible à ce jour, c’est Sony Alpha 1. Normal, me direz-vous, puisque Sony a été le premier à ouvrir le bal sur ce segment, avec Alpha 7 – disposant de deux déclinaisons, A7 et A7R – lancé en octobre 2013. Une proposition suivie d’un A7S, plus dédié à la vidéo, un an plus tard. Depuis 2013, avec une régularité métronomique, Sony propose une nouvelle version tous les deux ans, introduisant Alpha 9 puis Alpha 9 II et enfin Alpha 1. Le flagship de tous les superlatifs, annoncé en mars 2021, avec une liste de specs qui n’a d’égale que son prix stratosphérique, Alpha 1 étant proposé au prix de 7300€.

• Les J.O. dans l’incertitude

La crise du Covid est passée par là. À l’heure où j’écris ces lignes, on ne sait toujours pas si les Jeux Olympiques de Tokyo auront lieu ou pas, compte tenu d’une situation sanitaire des plus délicates au Japon. Or, on sait que les J.O. sont une vitrine absolument incontournable pour les deux marques historiques que sont Canon et Nikon. L’annulation ou le report sine die des Olympiades seraient paradoxalement une bonne nouvelle pour ces deux marques, leur laissant du temps pour peaufiner leurs nouveaux hauts de gamme. Du point de vue timing, Nikon devrait lancer son Z9 au quatrième trimestre de cette année 2021 et il ne fait aucun doute que Canon sera raccord pour annoncer son EOS R3 dans le même temps. Finalement, seul Sony Alpha 1 occupe aujourd’hui le terrain, de manière relativement confidentielle, au moins en termes de ventes. Son prix des plus élevés expliquant sans doute une certaine frilosité mais pas seulement, j’y reviendrai. Voici donc un état des lieux sur le segment flagship mirrorless, des forces en présence et à venir.

• Canon R3. Un monobloc puissant, précis, véloce.

La marque rouge ne fait pas dans la dentelle, pas plus qu’elle ne reste les bras ballants. Avec l’annonce de EOS R3 le mois dernier, Canon entend bien livrer au monde de la photographie professionnelle un message clair. Il faut compter sur Canon, acteur majeur de la photographie, plus que jamais. D’ailleurs il ne vous aura pas échappé que Canon a annoncé clairement la couleur ces derniers mois, en déclarant ne plus développer d’optiques pour sa gamme reflex. Désormais, l’essentiel de ses budgets R&D est dédié à sa gamme mirrorless. L’annonce d’un monobloc haut de gamme n’est donc pas une surprise. L’essentiel – ou du moins une grande part de la performance – va se jouer sur le capteur. Or, de ce point de vue, l’entreprise Canon a toutes les cartes en mains, maître qu’elle est de son destin. On le sait, Canon développe elle-même ses propres capteurs, contrairement à Nikon qui passe par des sociétés tierces (Sony, entre autres, mais pas seulement). Ça a toujours été un avantage indéniable pour la marque rouge et un signe puissant d’indépendance.

Le capteur du R3 affiche donc de grandes promesses. Il sera sans doute supérieur à 50mp et de type rétroéclairé empilé (stack), faisant la part belle à l’obturateur électronique. Partant de ce postulat, on peut imaginer des performances remarquables en terme de cadence de prise de vue et de précision de la mise au point. De ce point de vue, Canon évoque une mise au point à l’œil, ce qui ne manquera pas de raviver quelques merveilleux souvenirs à ceux qui, comme moi, ont travaillé en argentique avec EOS 3 et son AF capable de suivre la pupille de l’œil. On attendait que Canon réactive cette fonctionnalité redoutablement efficace, c’est fait.

Plus compact et plus léger qu’un reflex comme EOS 1Dx, EOS R3 va se positionner sur le segment professionnels et amateurs enthousiastes, pour de la photo d’action (animalière, sportive, reportage). Est-ce à dire que R3 sera le flagship, il est permis d’en douter. Je veux bien parier mon premier reflex Canon (F1) qu’un véritable vaisseau amiral est encore dans les cartons. EOS R1 sera lui, à n’en pas douter, le haut de gamme et ce n’est pas encore pour demain. Capturer une image nette et razorcut, en silence, à une cadence de 20fps ou plus, avec des optiques remarquables en monture RF ? Il va falloir scruter les rangs des photographes aux prochains J.O. s’ils ont lieu. Quant au prix, on peut faire confiance à Canon qui n’a pas l’habitude de faire dans la demi-mesure. Quand on connait le prix de EOS R5 (4500€), celui de EOS 1Dx Mark III (7300€), on peut imaginer que la note risque d’être des plus salées…

• Nikon Z9. Pas le droit à l’erreur.

Pour la marque jaune, pas d’alternative. Avec Nikon Z9, elle met la barre très haut se doit de réaliser un strike. Autant dire que les ingénieurs, sur ce coup-là, n’ont pas le droit à l’erreur, Nikon Z9 doit surpasser toutes les propositions faites jusqu’à présent, tant par elle-même que par ses concurrents. Plus précisément par son concurrent, son éternel challenger. Chez Canon on déclare « observer attentivement la proposition faite par Nikon pour son nouveau flagship ». Peu d’informations ont filtré jusqu’à présent. Ce nouvel appareil à visée réelle, équipé d’un capteur CMOS empilé (stack), devrait faire la part belle à l’obturateur électronique, jusqu’à signer possiblement la disparition de l’obturateur mécanique. Voilà qui ouvre des perspectives inédites. Prise de vue en silence, cadences (très) élevées à 20fps et pourquoi pas bien au delà ? Une construction monobloc solide, assurant une prise en main en portrait comme en paysage, une autonomie très accrue, une résistance à la poussière et à l’humidité. Bref, un D6 en mieux et à visée réelle. Nikon Z9 embarquera un capteur de 50mp minimum et certaines rumeurs affirment que ce capteur ne serait pas fabriqué par Sony. Quant au processeur, un nouvel Expeed survitaminé va orchestrer la danse.

Reste la performance en matière d’autofocus. C’est le sujet qui finalement me préoccupe le moins, connaissant déjà les résultats que j’obtiens dans ce domaine sur Nikon Z6, j’imagine que Nikon Z9 va se révéler époustouflant du point de vue de l’AF. Le calibre de la monture Z, les capacités ahurissantes de communication entre le boîtier et les optiques (un sujet dont personne ou presque n’évoque l’importance), les nouvelles optiques S line devraient compléter le tableau. J’imagine aussi des performances accrues au chapitre du viseur électronique permettant un meilleur confort et une performance optimisée dans le domaine de la visée réelle. Dernière inconnue et non des moindres, le prix. De ce point de vue, on espère une bonne surprise, un positionnement prix qui pourrait être favorable à Nikon par rapport aux tarifs de la marque rouge. Encore un détail. Dans son communiqué de presse, Nikon annonce le développement de « son premier modèle flagship pour la monture Nikon Z ». Faut-il comprendre que Nikon Z9 ne sera pas le seul haut de gamme et que d’autres modèles flagship sont en préparation ? La suite risque d’être passionnante.

• Pendant ce temps-là, Sony propose Alpha 1

Sur le papier, Sony Alpha 1 a de quoi séduire. D’ailleurs, nombre de sites spécialisés ont encensé ce boîtier, avant même de l’avoir testé. Présenté – je cite – comme le boîtier de tous les superlatifs, comme l’empereur hybride des appareils photo (…), comme le killer ultime, Sony Alpha 1 est censé être la somme de A7R, A7S et A9, un genre de boîtier tout en un. Annoncé en début d’année 2021, Alpha 1 n’est pas un boîtier monobloc même s’il en affiche le tarif, à plus de 7000€. Il embarque un capteur de 50mp, un double processeur, un mode rafale capable de taper jusqu’à 30fps (en modes JPEG ou HEIF uniquement ou RAW compression avec perte), un mode vidéo 8K. Bref, autant de specs qui impressionnent aujourd’hui et qui prêteront à sourire d’ici d’ici à quelques mois quand Canon et Nikon auront dégainé leur respectifs EOS R3 et Nikon Z9. Sur le papier, Alpha 1 a, j’en conviens, d’indéniables arguments.

Sur le terrain, en revanche, plusieurs choses me chagrinent. D’abord l’ergonomie, un point essentiel. Sony a choisi la compacité et je n’imagine pas travailler toute une journée avec Alpha 1 en étant équipé d’une longue focale. Sans même évoquer l’autonomie, évaluée à 530 photos avec écran arrière, 430 avec le viseur. Autre point, tous ces boutons paramétrables (une dizaine au total), ces menus à rallonge n’ont absolument rien d’ergonomique, contrairement aux apparences. Et puis on en arrive à l’éternel sujet qui (me) fâche sur toute la gamme Sony Alpha. Je veux parler de la monture E, une monture de taille bien modeste quand on la compare aux montures Canon ou Nikon. Pour mémoire, la monture E de la gamme Sony Alpha, héritée de la gamme NEX, était à l’origine prévue pour un capteur APS-C et pas pour un capteur plein format. Cela n’empêche pas Sony de proposer des optiques particulièrement lumineuses et performantes, certes, mais quid de la suite ?

• En conclusion, vivement demain.

J’attends avec une bonne dose d’impatience le quatrième trimestre 2021, pour découvrir les propositions respectives de Canon et de Nikon. À la différence de Sony, les deux marques vont proposer des boîtiers monobloc, véritablement taillés pour le terrain, résistants aux chocs et à l’humidité, endurants, disposant d’une grande autonomie. J’attends aussi de voir les tarifs. De ce point de vue, je pense que Canon, fidèle à sa réputation, va afficher un prix stratosphérique – comprendre plus de 7000€ – et je croise les doigts pour que Nikon soit moins gourmand. Dans les deux cas, on peut s’attendre à des listes de specs qui vont nous clouer sur place. L’utilisation de l’obturateur électronique va permettre des cadences en mode rafale hors normes. La précision de l’autofocus, la qualité d’image vont être les gros challenges à relever. En vidéo, le mode 8K sera le minimum syndical. Et dans chaque camp, la lutte finale va aussi s’annoncer serrée au chapitre des propositions optiques. Bref. Le prochain chapitre de l’éternel duel Canon versus Nikon va s’avérer des plus passionnants. Stay tuned !

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