Samedi 14 mars. Les Vieilles Charrues remettent le son, pour la seconde soirée. Sur le parking, un étrange balai de camionnettes et fourgons, peuplés d’iroquois hirsutes et pacifiques, font un sort aux packs de 48 Valstar (la mousse des stars). Aucun doute, ce soir il y a un ancien Béru dans la place. D’ailleurs je ne vais pas tarder à croiser Loran qui installe la boutique (auto-gérée ça s’entend) de goodies des Ramoneurs de menhirs. T-shirts, vinyls, calicots alter-monde. Papotage, petit salut fraternel de Charles du Vauban en souvenir d’un concert mémorable des Béruriers noirs, probablement l’un des derniers concerts du combo mythique dans cette salle qui ne l’est pas moins. Ah ! Le Vauban… lâche Loran, le sourire en coin. Allez, direction la salle, ce soir c’est du ouakenole alors il y a des crash barrières et je me dis que je vais pouvoir shooter pépère, à la fraîche. Je croise Jean-Jacques (prog des Charrues) qui a le visage fermé. « Bashung est mort. » Silence, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre parmi les techniciens. « On dirait qu’on sait lire sur les lèvres et qu’on tient tous les deux sur un trapèze… » Ce soir, la bande-son du festival est dédiée à Bashung, en bleu pétrole. Sur scène c’est un gars du coin qui ouvre le bal, Mathéo, jeune guitariste qui officie sous le nom de Mister Alone. La presta tient sur un visage masqué, une pédale d’effets et des postures de guitar hero. Tout petit, ce jeune garçon a dû fantasmer grave sur Van Halen et le théâtre japonais. Sur scène, pieds nus et masqué, il envoit quelques accords (bien) barrés sur un tempo frénétique et des attitudes scéniques à faire frémir un champion d’air guitar. C’est moyennement convaincant, même si du public au musicien c’est le garçon, pieds nus sur scène, qui semble être le heureux des deux. Les petites mimiques et la révérence qui accompagnent chaque fin de morceau sont peut être en trop et on ne peut que conseiller au jeune guitar hero en herbe de travailler sa technique.
Un break et me voici au concert que j’attends et là, mes aïeux, je ne vais pas être déçu. The Craftmen club, un combo vu au Vauban il y a quatre ans et dont le buzz a dépassé depuis un bail les portes du pont de l’Iroise, ce groupe qui vient de sortir un album bénéficie d’une aura et d’un feedback plutôt flatteurs un peu partout où il passe. Au premier accord, on comprend pourquoi. The Craftmen Club a atteint un niveau de justesse, une qualité de prestation scénique comme je n’en n’avais pas vu depuis longtemps, tous groupes confondus. Si la mention power trio convient à un groupe de rock, c’est bien aux Craftmen Club qu’il faut l’attribuer. On n’en est même plus à imaginer leurs influences, tant on les sent profondément ancrées dans ce que le son anglo-saxon a donné de meilleur, du rock des Kinks au blues vitaminé des Who, en passant par le gros son US, nourri de bière et de téquila sur des routes du sud, dans des bouges improbables, des nuits passées à jouer Creedence Clearwater, entre gimmick sauvage d’un Fortunate son et l’intro parfaitement huilée d’un Up around the bend. Il y a chez Craftmen Club une hargne sincère, une fougue, une puissance qui se libère au fil du concert, comme une dope dans les veines, qui atteint son paroxysme quand le chanteur rejoint la foule, qu’il l’interpelle, le harangue, l’alpague, le provoque. Il n’y a rien de calculé, tout semble se jouer à l’instinct, au feeling, tout est dans la démesure. C’est du rock, motherfuckers ! C’est ça. Ils étaient déjà un peu barrés il y a quatre ans, cette fois les Craftmen Club sont complètement à l’aise dans leurs costards d’enfants du rock. Résultat, un (putain de) concert débridé, sans aucun doute l’une des meilleures presta vu sur une scène cette année. Généreux, sincère, puissant, retenez bien leur nom. The Craftmen club. Car il faudra compter sur eux, dans les années à venir.
Difficile de suivre, après une claque de cette ampleur, d’autant que ce qui vient ne tape pas vraiment dans mon registre. Une bombarde, un biniou koz (notez mon reliquat de culture breizh), un ex Bérurier noir (Loran), des samples, de l’electro, des gavottes à huit temps, un happening permanent sur scène (dont un très gouleyant Marc Morvan déguisé en Bécassine qui n’est définitivement pas ma cousine), des slogans alter-mondialistes (le capitalisme y’en a marre) et une profonde sympathie pour la libération de la Breizhland. Bevet Breizh ! Vive l’ARB, Bretagne libre et toutes ces sortes de choses. Pas trop ma came, même si j’aime le lait ribot et que rien ne m’émeut plus au monde que l’anse de Pen Avel. Le spectacle se joue aussi dans la salle, avec un public mélangé, hétéroclite, entre fans de breizhitude et de folklore mondial made in Béru. Allez, ça c’est fait, même si bien souvent le niveau sonore de ramonage de menhirs frôlait les limites du supportable.
C’est fini, les Vieilles Charrues ont remis le son et je me suis bien marré, au fond, pendant deux soirées à Carhaix, l’occasion de retrouver les potes du centre Bretagne et de prendre une grosse respiration avant les quatre jours de fête dans quatre mois (et un jour). Prochain rendez-vous en avril, pour l’annonce de l’intégrale de la programmation des Vieilles Charrues, une édition Grand cru classé 2009. Yehed mad !
• photo : finale du concert de The Craftmen Club sur la scène Glenmor.
emilie dit
Bonsoir vous n’auriez pas d’autres photos des craftmen club a carhaix car c’était moi quii était sur scène avec eux merci.
harvey dit
Pas encore eu le temps de dérusher les photos des Craftmen club. Pour les photos d’ambiance, elles seront probablement visibles sur le site des Vieilles Charrues.