Dans un festival, la mémoire ne retient que les moments très forts et a tendance à occulter les autres. Du Bout du Monde à Crozon, il y a les concerts que j’attendais et qui n’ont pas démérité et comme d’habitude il y a les révélations. Commençons donc par les révélations. Premier jour, première gifle, Macéo Parker, entre funk et free jazz avec une touche de groove, costards-cravate, choristes énième mode, la grande classe, le son parfait, tout en subtilité et en nuance. Géant. Dans un autre registre Ska Cubano, salsa sautillante, du fun pour commencer la journée. Le lendemain Ibrahim Maalouf, pas vraiment une surprise, je l’attendais, il nous a fait un set brillantissime. Le dimanche, Victor Demé, le couturier à la voix d’or, un pur feeling, un blues authentique et Young Blood brass band, une fanfare US à la mode trip hop, des mecs bien barrés, rien que de la pointure king size. Les attendus ont répondu présent. J’ai repris deux fois du Kwal, tellement c’était bien. Sous le chapiteau Kwal a foutu le feu avec son tapage nocture jusqu’à pas d’heure. Enorme ! Alela Diane, en formule duo avec son dad, touchant. Je n’attendais pas les Têtes raides qui ont envoyé le bois avec un set très électrique, un son pop rock à décorner les boeufs, décidément avec eux, on est dans l’imprévisible. Le samedi, Mouss et Hakim twelve points, les deux ex-Zebda d’Origines contrôlées ont mis un souk et un feu de folie sur la grande scène, dans un registre pourtant pas facile. Enorme talent, j’ai adoré, c’était un putain de concert de (très) haut niveau. Thiéfaine et Personne, les deux papys du blues n’ont pas démérité, Paulo arrachant des riffs sur sa Gibson, c’est toujours classieux quand il nous la joue guitar hero. Pura Fe, sous le chapiteau, divine, arrachant de sa slide son blues root mélancolique, toujours accompagnée du même guitariste, grosse pointure. Une mention à Camille, jus d’orange survitaminé, petite souris déglinguée, énervée. Je ne sais pas ce qu’elle prend le matin au petit déj mais je veux la même chose. Last, but not least, Bashung. Comme une étincelle, un regard qui se perd dans le lointain, deux mains tendues vers le public comme une supplique ou une offrande. Il y a des concerts où les qualificatifs se perdent, où les mots ne savent plus trop décrire la réalité. J’ai oscillé entre mélancolie et bonheur de voir Bashung, encore une fois, sur scène. Certains mots prennent une autre saveur, dans ce contexte. Un final sur des standards, de « Madame rêve » à « Osez Joséphine », Bashung nous a rappelé qu’au fond, seul compte le vertige de l’amour. Les lights se sont appaisées jusqu’à s’éteindre. Plus rien ne s’oppose à la nuit, rien ne justifie…
À propos Hervé LE GALL
Hervé "harvey" LE GALL, photographe auteur basé à Brest au début du monde. A trainé ses godasses et ses reflex dans la plupart des coins sombres de la région Bretagne. Photographe-maison du Cabaret Vauban, photographe officiel des Vieilles Charrues (entre autres). Intransigeant, il aime la photo, les lasagnes, le kouign amann et le Breizh Cola. Rédac chef de SHOTS.
Druggy dit
Je m’étais fait un peu la même réflexion aux Francofolies, pas la peine de chercher les mots justes avec Bashung… j’ai regretté que ça soit mon premier… hâte de voir les clichés.
laura t. dit
voir bashung c’est à experimenter avec toute la vie, la sienne et la votre, parce que ses mots, sa musique encapsulent toute la violence, la passion, la folie, la bonheur, et la solitude du voyage. et voir cette magnifique photographe c’est à souvenir de tous les moments intimes avec lui et de déjà se sentir la vide qu’il va laisser derrière. j’ai voyagé des états-unis jusqu’à lyon en mai pour assister à son brillant concert. et j’ai les billets pour le voir à bruxelles en novembre, ce qui me tue parce que la dollar reste si faible pour faire encore un tel voyage. mais je peux voir qu’il continue à tout donner, comme toujours et sans relâche. il va mourir faisant ce qu’il aime et il est ainsi exemplaire pour nous: faisons envie (jusqu’au dégoût). merci beaucoup pour cette photo si pleine d’esperance. tu as brisé mon coeur pour du bon. xoxox ~laura tattoo, astoria, oregon
harvey dit
thanks for this nice comment Laura.