CharruesLand #10. Dixième année de participation comme photographe, septième comme officiel, seconde comme pilote de l’équipe des photographes officiels. Dix ans où, chaque été à même époque, pendant trois puis quatre jours j’aurai arpenté la plaine de Kerampuilh en tout sens, à la recherche de mon équilibre et de mon harmonie. Combien de fois ai-je failli lâcher l’affaire ? Il y a toujours eu quelqu’un dans mon entourage proche pour me dire à ce moment-là que ça serait la plus énorme connerie à faire que de ne pas y aller. Parce que ce festival, c’est beaucoup plus que quatre jours de fête en centre-Bretagne. Ce festival a une portée sociale considérable pour la région et c’est une aventure humaine hors-normes. Cette année, tout semblait fonctionner à merveille, la vie s’écoulait paisiblement comme un fleuve tranquille, jusqu’à ce qu’on nous annonce l’annulation d’une tête d’affiche. C’était écrit. C’était pas en 2013 que j’irai fredonner Tiny dancer à Glenmor. Putain ! Il pouvait pas faire son appendicite aigüe comme tout le monde, quand il était minot, le Sir Elton ? Me confiait il y a quelques jours un ami médecin, passablement déconfit de ne pouvoir applaudir son idole vendredi prochain. Au moment où j’écris ces lignes, c’est Patriiiick Bruel qui va remplacer Elton John, je sais ce que vous allez me dire. Casser la voix, c’est pas crocodile rock. J’te l’dis quand même c’est pas your song. On s’en fout. On fera avec. Enfin, plus exactement on fera sans, comme on avait fait sans Bowie (mais avec Sharleen Spiteri) il y a dix ans. Et puis, au risque de répéter une éternelle référence, comme disait le Francis (Cabrel) quand il était venu trainer sa guitare et ses godasses sur la plaine : « Aux Vieilles Charrues, l’important, c’est pas les artistes. Non, l’important aux Charrues c’est les Vieilles Charrues… »
Il avait tout compris, le Francis, capté l’essence même de ce festival, devenu au fil du temps, depuis la première édition en 1992 à Landeleau, avec des épreuves sportives de haut niveau comme le lancer de kabigs, le plus grand festival français et l’un des évènements majeurs en Europe. Ah ! Gast ! C’est sûr que ce festival, initié par d’irréductibles bretons, dans la plus grande tradition gauloise (le thème cette édition 2013) n’était pas pour plaire dans certains salons parisiens. Qui étaient donc ces bretons, diantre, se réunissant chaque année dans un champ du petit bourg de Carhaix – 8000 âmes au compteur – depuis plus de vingt ans, avec comme seul postulat de se faire une bonne bouffe, de chanter et de boire un coup (et même deux) ? Voilà, vous y êtes. Vous touchez du bout du doigt ce qui fait qu’il faudra que je sois mort, raide comme un passe-lacet et mes cendres dispersées dans la baie du Cabellou pour que je rate ne serait-ce qu’une édition des Charrues. Elton John ne vient pas, mais mes potes eux, seront tous là. Il va faire un temps somptueux et ça, ça suffit déjà à mon bonheur. Cela dit, la pluie n’a jamais fait renoncer un festivalier, jamais, mais quand même, Kerampuilh sous le soleil, c’est les tropiques, le club Med en mieux, le paradis sur terre. Une Coreff bien fraîche ou un Breizh Cola, une tartiflette ou une complète œufs-jambon-fromage, une ballade au Verger et des concerts jusqu’à plus soif et pas seulement des têtes d’affiches sur les grandes scènes (un conseil, ne ratez pas Interzone samedi à 20:20 à Gwernig). Et puis les amis. Difficile de tous les citer, tellement il y en a. Il y a les amis qui seront là, les connus et les anonymes, tous différents mais tous pareils et surtout tous ensemble. Il y a ceux qui ne seront pas là, ceux qui ne peuvent pas venir et j’aurai évidemment une grosse pensée pour Jean-Philippe QUIGNON qui manquera à l’appel et qui va nous manquer, même si quelque chose me dit qu’il sera là, quand même.
Les Vieilles c’est un truc un peu hors-gabarit, finalement. C’est au cœur de l’été. C’est ce petit truc indéfinissable qui nous appelle et nous fait nous réunir en centre Bretagne, pour nous retrouver ensemble sous le soleil breton sur la jolie plaine de Kerampuilh. L’occasion de réunir la famille, de retrouver ses potes qu’on ne voit qu’une fois par an. Alors je vais vous dire ? On chantera peut-être pas Tiny dancer cette année mais moi je vais me casser la voix sur Old man avec ce bon vieux Neil Young et Maria Caracolès avec Carlos « Devadip » Santana. Et puis avec les photographes de la team 109 (Mathieu, Juliane, Pierre et Olivier) on va taper des clichés, plein et pas seulement des musiciens sur scène, non, non. Des gens, des bénévoles, des festivaliers, des gaulois et des gauloises, des casqués, des emplumés, des enfumés, des rincés, des mi-cuits, des Jean Floc’h (à bloc), des allumés et des blue jean babys, ce public incroyablement festif, ces gueules de gens heureux. Une fête entre amis, le bonheur de se retrouver pour boire un coup. Quant au rendez-vous manqué, aucune amertume. Piano man, he makes his stand in the auditorium, on se dit que ça sera pour une prochaine fois…
• voir la programmation complète sur le site des Vieilles Charrues