J’attendais le nouvel album d’Etienne Daho avec une impatience mêlée d’angoisse, de fébrilité et puis le single l’invitation est parvenu jusqu’à mes oreilles et j’ai su alors que le festin concocté allait être à la hauteur de mes espérances. D’abord, le son. Ample, construit, pensé avec toute la brillance qu’on connaît d’Etienne et qu’on reconnaît d’Edith Fambuena. Je les imagine bien, ces deux-là, complices depuis toujours, mettant et remettant leur coeur à l’ouvrage, encore, et encore, et encore, jusqu’à tendre vers cette perfection sonique qui régale mes oreilles. Un son, une Daho touch. Ensuite les mots, ce dédale sublime où j’aime me perdre, un univers fait de chausses-trappes, de double sens, d’allusions fines et racées, teintées d’un brin d’ironie mais pas plus. Aucun doute possible, quand les mots s’envolent avec une telle désinvolture, chic et classieuse, c’est du ED collection pur jus. A dire vrai, dès la première écoute, je me suis senti happé, saisi, attrapé, bousculé par la violence des mots et en cela, oui je le dis. L’invitation est du calibre de Paris ailleurs. Mais Daho monte d’un cran et le plaisir va crescendo. Violons lyriques, presque tragiques sur L’adorer, qui tranche étrangement avec l’ambiance Velvet child sur Les fleurs de l’interdit. Et puis, à mi-chemin de ce voyage, Daho retrouve Etienne et signe Boulevard des capucines qui est, je le crois, je le sens, j’en suis sûr, le plus beau titre de l’ensemble de son oeuvre. Daho n’a jamais été aussi près de la justesse, effleurant avec délicatesse la vérité, coulant de source comme une larme sur la joue d’un môme. On ne quitte pas intact ce Boulevard, non. On en repart les yeux embués, avec la profonde grattitude qu’on doit aux poètes. Toi jamais toujours me sort de mon blues, sur un tempo et un récitant qui évoque un peu le katonomesque Burger, avec, encore une fois un texte ciselé façon orfèvre pop-pop Gainsbourg, un texte signé Brigitte Fontaine. Oui, bien sûr ! Etienne Daho est aujourd’hui le plus digne représentant de la pop french touch, classieuse, élégante, fine et merveilleusement concotée (Edith, you rock girl !). Je le dis sans ambage. Cette invitation est un pur album, sans aucun doute le meilleur album de Daho depuis Paris ailleurs. Et définitivement le meilleur album de l’année.