Hier soir j’ai fini de dérusher les derniers clichés qui restaient en attente de mon été de festivals. J’ai pris un peu de temps (le temps, c’est le seul putain de luxe qui me reste vraiment avec la photographie) pour regarder les photos ramenées du bout du monde, en savourant ce moment unique où je suis seul devant mes clichés, seul au monde. Les ogres de Barback et Java dans le registre un peu barré, Mayra Andrade la main posée sur la poitrine retient son souffle, Abd Al Malik le magnifique, les japonaises de Gocoo, sauvages et animales. Il y a de jolies choses à garder dans les souvenirs de Crozon. Seun Kuti, groovy, Salif Keita hors du temps, presque irréel, Dobet Gnahoré jusque là inconnue mais tellement épatante sur scène. Et que dire encore d’Arno, foutraque à souhait, entre chien et loup, sur scène à mi-chemin entre Bashung et Miossec ? Et Pierre Perret, dans un registre radicalement opposé, entouré de kids pour chanter le rappel. Enfin, magistrale, irréelle, intemporelle, Césaria Evora. Une présence, un sacré caractère de bonne femme, incarnation vivante de Saudade, qui temporise, fume une clope offerte, savoure le plaisir d’être là. Et comme un cadeau, Cesaria regarde les photographes, prend la pose, la moue dubitative, magnifique. Le temps d’un cliché, Césaria est seule. Seule au début du monde.