Chaque fois que j’entends l’expression noir et blanc, je pense immanquablement à Sabine Weiss. À l’occasion d’une rencontre avec cette photographe émérite, je l’avais entendu évoquer l’époque où elle travaillait dans le milieu de la mode. De temps à autre, on lui demandait de travailler en noir et blanc et ça, ça lui plaisait bien parce que, disait-elle « c’est plus facile que la couleur ». Je n’ai jamais vraiment su si cette affirmation était, de la part de Sabine Weiss, un trait d’humour ou si elle le pensait vraiment. Avec le recul, j’opterais volontiers pour la seconde proposition.
Pour ma part, je n’ai jamais eu une grande passion pour le monochrome et dès que j’en ai eu la possibilité, comprendre financière, j’ai toujours privilégié la couleur. Comme tout le monde, dans mes premières années, j’ai photographié en Kodak TriX pour des raisons pécuniaires. Les pellicules coûtaient moins cher et comme beaucoup de jeunes photographes, j’avais la possibilité de les développer moi-même et de réaliser mes tirages à l’agrandisseur, dans mon petit labo.
Du noir, du blanc, des gris.
• Noir et blanc et nuances de gris
J’ai donc cramé plus de pellicules Kodak Gold, d’Ektachrome ou de Fuji Superia que de TriX. Sans même compter que pour moi la couleur, en particulier dans le monde de la photo de spectacle, c’était depuis toujours une plus value vitale. Pendant des années – et en particulier mes années argentiques – la photographie pour moi s’est vécue en couleur. C’est avec le numérique, paradoxalement, que j’ai découvert ou plutôt redécouvert la photographie en noir et blanc, dans tout ce qu’elle peut avoir de pertinent, voire de magique. C’est avec le numérique et l’editing de mes fichiers NEF avec Capture One Pro que j’ai réalisé à quel point une photo en couleur pouvait se transcender, acquérir une puissance lorsqu’on la transformait en monochrome. Pas seulement du noir et du blanc mais aussi des gris, car finalement dans la photo noir et blanc, ce sont bien les nuances de gris qui apportent la beauté, entre autres.
• Michael Freeman, de main de maître
Bref, la photo noir et blanc, c’est tout un monde à découvrir, un monde infiniment plus complexe qu’il n’y paraît. Complexe et fascinant. Alors quand j’ai reçu le livre Noir et blanc de Michael Freeman, je me suis dit qu’il y aurait sûrement du grain à moudre. D’abord et avant tout parce que je suis très amateur du travail éditorial de Freeman. Pour vous en convaincre, il vous suffit de faire une recherche sur le mot-clé Freeman dans SHOTS ! J’apprécie sa façon très fluide d’écrire, de présenter des aspects techniques complexes en termes simples. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que cette collection publiée par Eyrolles porte le nom générique de « masterclass ».
« Pour commencer, le noir et blanc se suffit à lui-même. » Dès l’introduction, Freeman pose les bases, d’une manière aussi radicale que quasi définitive. Il cite Cartier-Bresson qui évoquait la photographie en couleurs n’offrant, à ses yeux, « qu’une gamme tout à fait fragmentaire ». C’est d’autant plus vrai en numérique que le capteur perçoit d’abord une image monochrome sur laquelle il ajoute une matrice de couleurs. Quant à savoir si la gamme de couleurs est tout à fait fragmentaire c’est un autre débat. Mais revenons au livre de Freeman.
• Freeman signe le bouquin ultime
Avec cet opus, Freeman signe un ouvrage complet, j’allais dire exhaustif, tant l’ouvrage couvre à peu de choses près tous les thèmes relatifs au noir et blanc. Comme toujours avec les bouquins de Freeman, la lecture n’est pas nécessairement linéaire. Si pour vous monochrome implique l’utilisation du film argentique, vous irez directement au chapitre 5. Si à l’inverse vous travaillez en numérique et que la conversion couleurs vers noir et blanc vous intéresse, vous accèderez directement au chapitre 6. Et à chaque fois, les chapitres sont détaillés, sans que lecture soit lénifiante et toujours illustrés de clichés qui vous parlent. On notera au passage la qualité de la traduction qui rend la lecture particulièrement agréable.
Noir et blanc est un livre complet qui explique en termes simples une fascinante complexité. Encore une fois, Michael Freeman vise juste avec ce livre indispensable consacré au monde fascinant du monochrome. Indispensable, dis-je. En conclusion, si vous ne devez avoir qu’un livre et un seul traitant du sujet de la photographie en noir et blanc c’est bien celui-là.
• Cet excellent livre de Michael Freeman est édité par Eyrolles (au prix de 23€)
• Cet article n’est pas sponsorisé.