Trois mille deux cent euro ? Comme Doc Brown dans Retour vers le futur, j’ai failli avaler ma chique. Trois mille deux cent euro. C’est le prix du nouveau Nikkor 70-200mm. J’ai répété ce chiffre, éberlué comme un Emmett Brown à l’annonce de la puissance électrique nécessaire pour permettre le voyage dans le temps. Deux virgule vingt et un gigowatt ?! J’ai essayé de me calmer, en me disant que Nikon corp. n’avait pas choisi de sortir un chiffre comme ça du chapeau. Il y avait sûrement des raisons et pas uniquement la cupide avidité d’une multinationale ravie de gagner beaucoup d’argent. J’ai survolé la fiche technique, observé les specs de cette nouvelle optique. Et a priori, ce nouveau zoom trans-standard Nikkor 70-200mm f/2.8E FL propose un niveau de prestations assez bluffant, digne héritier de la gamme des nouveaux Nikkor 400, 500 et 600mm FL. Mais quand même. Trois mille deux cent balles, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Pour essayer de mieux comprendre, j’ai décroché mon téléphone et j’ai choisi l’appel à un ami. Discussion à bâtons rompus avec quelqu’un qui sait de quoi il parle, dès qu’on prononce le mot Nikkor. Ludovic DRÉAN, responsable du NPS (Nikon Pro Services).
Nikkor 70-200mm f/2.8E FL
SHOTS : C’est LA question qui agite la photo sphère. Nikon est tombé sur la tête en annonçant une optique Nikkor 70-200mm à 3200€ ! Alors ? Pourquoi cette optique coûte-t-elle aussi cher ?
Ludovic DRÉAN, NPS : Soyons clair. Il y a une première couche d’explication qui est liée au caractère international de la société Nikon. Où est-ce qu’on fabrique ? À qui on achète ? Où est-ce qu’on vend ? Et comment se comportent les monnaies dans les différents pays. À une époque par exemple, Apple ne vendait plus de iPhone en Russie parce que le rouble s’était effondré. On prend rarement ces notions en compte, dans le prix de vente final. La valeur perçue d’une optique, dans un environnement local, peut varier selon le pays et c’est valable pour tous les produits, pas seulement le matériel photo. Où on achète, où on vend, ça peut avoir un impact de 20 à 30%.
Il faut donc prendre en compte ces notions de macro-économie qui impactent directement le prix de vente. Un Yen faible par rapport à des prix statiques aux États-Unis, la Livre qui s’effondre à Londres, … Il y a un peu plus d’un an on était à 140 yens pour un euro, aujourd’hui on flirte avec les 110 ! Dans ces conditions, sortir un prix qui soit juste, équitable, qui permette à Nikon de dégager de la marge, c’est un vrai casse-tête ! 3200€ c’est effectivement un prix élevé pour un 70-200, même si c’est un prix à relativiser.
Le deuxième élément à prendre en compte, c’est qu’on a tendance à oublier le prix de lancement du précédent modèle. On a tendance à comparer le prix d’un nouveau matériel avec le prix de l’ancien modèle à sa valeur actuelle. On sait que le prix d’un produit évolue, par la loi du marché, la concurrence entre les revendeurs. Le précédent modèle a été introduit à 2699€, il y a sept ans. On ajoute à cela l’inflation et le tassement du prix chez les revendeurs dans les premiers mois, qui devrait selon toute logique descendre sous la barre des 3000€. Alors oui, on a une augmentation de prix et maintenant on peut parler de specs et de technique.
SHOTS : du point de vue technique, on a le sentiment, à la lecture des specs que Nikon a mis la barre très haut ?
Ludovic DRÉAN, NPS : Dans cette nouvelle optique, on a TOUT mis. Tout ce que Nikon sait faire de mieux en matière d’optique se retrouve dans ce nouveau Nikkor 70-200mm. D’abord, on introduit une lentille en fluorine et ça, tu le sais, ça coûte un bras ! Ce type de lentille est directement hérité de notre nouvelle gamme 400, 500 et 600mm FL qui fait preuve de qualités exceptionnelles. Cette lentille en fluorine permet de gagner en poids (NDLR : le nouveau Nikkor 70-200mm est plus léger de 150g). On obtient, grâce à ce type de lentille, une qualité de rendu, de correction des aberrations incomparable. Mais cette lentille coûte très, très cher. Au niveau du dessin optique, la réduction de la distance mini (1,10m au lieu de 1,4m) c’est loin d’être anodin, ça permet de doubler le coefficient de repro max, on est à fois 0,2 au lieu de 0,1. Pour le reste c’est un algorithme qui permet d’aller plus vite, que le point accroche très fort. C’est une optique solide, capable de faire le job dans la durée, de résister à toutes les conditions de travail (joints d’étanchéité partout, résistance à l’eau et à la poussière), avec une stabilisation encore meilleure. Encore une fois, ce verre en fluorine fait toute la différence. Comme toujours, on attend le retour des photographes sur le terrain, mais avec l’expérience qu’on a avec les optiques FL lancées par Nikon, je n’ai pas d’inquiétudes sur le rendu !
Il faut aussi évoquer le diaphragme électro-magnétique. C’est un moteur qui permet de mettre le diaph à bonne ouverture. C’est le genre de spec qui va jouer énormément en mode rafale, avec un taux de précision accru par rapport à l’ouverture affichée. Le mode VR sport est aussi hérité de la gamme gros téléobjectifs, c’est un must have qui permet d’optimiser la stabilisation encore un peu plus. Particulièrement efficace en poses lentes et en poses très rapides. L’optique est équipée de boutons électroniques, c’est l’équivalent de boutons de fonctions sur le boîtier. Un exemple d’utilisation. Ton reflex est équipé d’un flash (ou d’un pocket wizzard). Tu peux paramétrer la fonction flash ON, désactiver par défaut le flash et quand tu appuies sur le bouton fonction que tu as sous la main, sur ton optique, le flash se déclenche. En clair, le flash est allumé, en mode off et se déclenche sur ordre via un bouton fonction de l’optique. Soit le flash principal, soit le flash distant. Tu shootes un match de foot, un boîtier distant près du but que tu actives uniquement quand l’action se déroule près du but, voilà le type de demande que nous ont fait des photographes professionnels. Et parce que les pros nous ont dit et répété qu’ils se sentaient plus stables avec la main devant, la bague de zoom est désormais placée sur la partie avant de l’optique.
SHOTS : Pour ma part, j’ai un Nikkor 70-200mm f/2.8 VRII depuis janvier 2011. Je l’avais sur mon D3s, je l’ai conservé sur mon D4s. C’est une excellente optique et surtout c’est une bête de somme, capable d’affronter tous les terrains sans broncher. Il faut aussi relativiser, c’est pas une optique que j’ai acheté pour deux ans, ça fait près de six ans qu’elle me suit partout, tout le temps, par tous les temps…
Ludovic DRÉAN, NPS : C’est clair. Si on lisse l’amortissement de façon comptable, pour un pro, disons sur cinq ans pour rester raisonnable. Tu divises le prix d’achat hors taxes par cinq et tu te poses la question : « Combien elle m’a fait gagner d’argent cette optique ? » Les photographes qui se ré-équipent aujourd’hui le disent. En prix sec, j’en conviens, c’est un investissement. En revanche, par rapport à la capacité de production d’images de cette optique-là, l’aspect qualitatif, l’investissement est justifié. C’est comme Nikon D5…
SHOTS : On avait dit qu’on parlerait pas de Nikon D5 ! (rires)
Ludovic DRÉAN, NPS : Exact. J’ai le cas d’une agence de photographes de sport qui a couvert les J.O. de Rio et qui ne juraient (un peu comme toi) que par Nikon D4s. On leur a prêté du D5 pour couvrir l’évènement, à leur retour à Paris ils sont en train de changer tous leurs D4s pour du D5. Plus productif, plus qualitatif. Tu le sais, les mieux placés pour parler des matériels Nikon sont les photographes qui les utilisent, au jour le jour ! Au terme d’une utilisation professionnelle de 5 à 8 ans, je suis convaincu qu’une optique comme ce nouveau Nikkor 70-200mm f/2.8E FL vaut le prix qu’on y aura mis.
• merci à Ludovic DRÉAN, NPS (Nikon Pro Services).
• AF-S Nikkor 70–200mm f/2.8E FL ED VR sera disponible mi-novembre au prix recommandé de 3199€ TTC (soit 2665,83€ HT).
Patrice dit
Extrêmement pertinent les commentaires du gars de Nikon!
Bon je suis pas du tout un spécialiste de la bourse, c’est du chinois pour moi et pourtant je vis en Asie depuis près de 10 ans maintenant, mais j’ai bien vue la dégringolade de l’euro ces 2 ou 3 dernières années et la montée des monnaies locales comparé au dollar.
Pas étonnant qu’en France vous ayez l’impression que le prix est énorme, en plus c’est un upgrade comparé a l’ancien objectif, faut pas l’oublier.
Bref j’ai trouvé que les commentaires de Nikon avaient beaucoup de bon sens en plus d’être très pertinents.
Bonne continuation a toi et ton équipe et j’espère que tes problèmes de cloud vont se résoudre (je sais ça n’a rien a voir, mais je profite ce commentaire pour te souhaiter bon courage avec Hubic / OVH 😉 ).
Greg du blog Gregoire photographe dit
C’est quand même dingue un telle prix pour des optiques certes qualitative mais vu le prix Tamron et Sigma ont un boulevard pour faire aussi bien et moins cher…
Max du blog Max garagiste dit
C’est quand même dingue un tel prix pour une BMW, une bonne voiture certes qualitative mais vu le prix Skoda a un boulevard pour faire aussi bien et moins cher…