EOS 5D Mark III vs Nikon D810
Il y a quelques mois, j’écrivais, ici-même, un article à propos de EOS 5D Mark III et de Nikon D800 que je titrais le benchmark impossible, tant il me semblait difficilement concevable, a priori, de comparer ces deux boîtiers. Seulement voilà. Depuis, Nikon a sorti D810 qui va occuper, pour quelques temps, le segment de second-maître dans la flotte Nikon, deuxième boîtier fullframe dans l’ordre de succession après le navire amiral D4s. Désormais les choses sont donc claires. Chez Nikon, si vous souhaitez un reflex professionnel plein format, vous avez le choix entre D4s et D810. En face, chez Canon, c’est EOS 1DX ou EOS 5D Mark III. Il n’y a donc pas d’ambiguïté, D810 et 5D Mark III sont bel et bien sur le même segment. D’ailleurs, si je devais faire un classement des questions qui me sont le plus fréquemment posées, celle du choix Canon versus Nikon occuperait indéniablement le haut du classement. Entre les deux, le cœur peut balancer, mais sans doute pas la raison. Alors, que choisir ? EOS 5D Mark III ou D810 ? Pas facile de répondre à cette question, pour une raison simple. Quelque soit votre choix, il va vous engager de manière durable dans un camp. Canon ou Nikon. Vous allez acheter un reflex mais surtout, vous allez vous engager sur des optiques et au fil du temps vous allez réaliser que vous ne pouvez plus faire machine arrière, même s’il est toujours possible de changer de crèmerie et de switcher. Même si ça fait toujours des dégâts. Alors tant qu’à faire, autant faire le bon choix, dès le départ. Pour vous y aider, je vais aborder ici les points-clés qui doivent être pris en compte dans votre choix, tout en comparant les performances entre Canon et Nikon.
• L’autofocus
Une bonne photo est une photo nette. Je crois que c’est Andy Warhol qui a dit ça. C’est LA problématique numéro 1 du reflex numérique. Historiquement, la qualité de l’AF a toujours été le point fort de Nikon tandis qu’à ce chapitre Canon enchaînait les bévues. Un reflex comme D700 par exemple, avec son capteur de 12 mégapixels, était réputé pour une qualité de mise au point au cordeau alors que dans le même temps 5D mark II avait tendance à piétiner. Les choses ont sensiblement changé. Canon EOS 5D Mark III avec son AF 61 points et son capteur 22mp est très réactif, même s’il a toujours tendance à montrer quelques signes de faiblesse en basses lumières ou en contrejour. Du côté de D810, on ne change pas une équipe qui gagne. On prend le même et on l’optimise, encore et encore. On retrouve dans D810 cet AF 51 points de légende et le processeur Expeed 4, le même que celui qui équipe D4s. Il faut au moins un calibre comme celui-là pour driver le capteur 36mp de la bête. Nikon fait aussi le choix de se passer du filtre passe-bas et a entièrement réécrit ses algorithmes. On pense volontiers que le piqué et la netteté sont au rendez-vous, c’est rien de le dire, d’autant que Nikon met en avant le nouveau mode AF groupé, hérité de D4s et qui permet une mise au point et un suivi d’une précision extrême. Aucun doute. Au chapitre de l’autofocus, c’est Nikon, un point c’est tout.
• La montée en iso
La montée en iso, c’est comme le compteur de vitesse sur une voiture. Il ne s’agit pas de savoir jusqu’à combien monte le compteur, il s’agit de savoir jusqu’à combien vous pouvez rouler sans vous casser la gueule. Concrètement, la problématique se résume à cette question. Jusqu’où puis-je pousser la molette de sensibilité tout en conservant une image nickel. Avec EOS 5D Mark III, vous pouvez générer une image à 6400 iso sans trop d’état d’âme. Vous pouvez monter à 12800, l’image demeure acceptable. Sur D810, c’est un poil au dessus avec une image propre jusqu’à 12800 iso. Le bonus, avec le nouveau reflex Nikon D810, c’est la possibilité de démarrer à 64 iso voire à 32 iso en mode étendu. Les photographes de studio qui aiment les images léchées, finement détaillées, comme en photo culinaire par exemple, vont se régaler. Globalement, les deux marques gèrent plutôt bien la difficulté de la montée en iso, même si Nikon marque des points et devance nettement son concurrent. Cela dit, avec la capacité à travailler proprement à 6400iso, vous couvrez 95% de vos besoins.
• Le mode RAW
Aïe ! Les sous-définitions, c’est le sujet qui m’a fâché et contrarié (doux euphémisme) à l’annonce de D810. On ne devrait jamais se focaliser sur un point de détail, mais on ne se refait pas… Bref, les sous-définitions c’est la capacité à adapter la taille de ses fichiers RAW selon son environnement de travail, comme un RAW à géométrie variable. Canon a intégré cette notion sans états d’âme alors que Nikon a traîné des pieds. Résultat ? EOS 5D Mark III propose le choix entre trois types de RAW. Un format RAW standard, qui tire pleinement profit du capteur 22mp, un RAW medium à 10mp, un RAW small à 6mp. C’est une fonctionnalité radicalement intéressante. Sur D810 on s’est pris à rêver de la même chose mais sur ce coup-là Nikon a un peu raté le coche, en proposant seulement un RAW-S au quart de capteur. Soyons honnête, une moitié de capteur sur EOS 5D Mark III (10mp) c’est quasiment un quart de capteur sur D810 (9mp). Il faut en plus noter que Nikon D810 propose le recadrage capteur (format DX), on peut interpréter cette fonctionnalité comme une sous-définition qui ne dit pas son nom. Avantage Canon, de peu.
• La définition
Comme disait Debra Morgan : « Size matters. » Et comment ! La taille du capteur est à la source de beaucoup de problématiques et le choix fait par Nikon est l’un des paramètres qui m’avait fait sursauter à la sortie de D800. « Trente-six mégapixels. C’est pas un reflex, c’est un moyen format ! » De vous à moi, je préfère être dans mes pompes que dans celles du gars qui a ré-écrit l’algorithme de D810. Cracher des images d’une telle qualité, d’un tel raffinement, d’un tel luxe de détails et d’un piqué dantesque avec un capteur de ce calibre, c’est une réelle performance, un véritable tour de force auquel la puissance d’Expeed 4 n’est sûrement pas étrangère. Bémol de taille (si j’ose dire) le fichier RAW en 14 bits sans compression accuse 75Mo sur la balance. Prévoyez la capacité de stockage (cartes mémoire et disques durs) et de traitement, un ordinateur dopé et très véloce est hautement recommandé. On notera cependant la possibilité d’opter pour un fichier 12 bits compressé sans perte, équivalent à 95% d’un 14 bits non compressé, qui permet de diviser la taille du fichier par deux. Avantage de ce type de définition et pas des moindres, la possibilité de recadrer à volonté tout en conservant une image de taille exploitable. En face, EOS 5D Mark III et son capteur de 22mp semblent nettement plus rikikis, vus d’en haut.
• La vidéo
Au chapitre de la vidéo, Canon y a cru et a pris une avance indéniable que Nikon a entrepris de rattraper. Désormais, Nikon D810 fait jeu égal avec son rival en étant capable de produire du full HD à 60vps, tout en poussant le bouchon un pont plus loin. Nikon met le paquet en intégrant des fonctionnalités qui parlent aux vidéastes. C’est le cas du power aperture, par exemple, une fonctionnalité qui permet un contrôle motorisé du diaphragme via la touche profondeur de champ et la touche fonction. En clair, ça permet au vidéaste de moduler de manière continue, en douceur et sans à-coups le diaph pendant l’enregistrement. À noter aussi l’ajustement automatique de l’expo via la sensibilité en conservant un couple vitesse diaph constant, l’ajustement en temps réel des niveaux audio, le picture control, le mode zébra (affichage des zones surex), un micro stéréo, la réduction des bruits parasites, le recadrage DX accessible en mode vidéo en temps réel, la possibilité d’enregistrer deux flux en temps réel, l’un sur carte, l’autre non compressé sur enregistreur externe via la sortie HDMI. J’allais oublier deux cerises sur le gâteau. D’abord la possibilité d’utiliser une balance pré-mesurée en live view (en pointant la zone qui sert de référence), ensuite la touche Info qui permet l’accès à l’ensemble des réglages majeurs. En matière de vidéo, Canon occupait le terrain depuis plus de cinq ans, avec le succès que l’on sait. Mais comme dit la pub, ça, c’était avant.
• Rafale et mode silencieux
EOS 5D Mark III permet la prise de vue en mode rafale à 6 vps ainsi qu’un mode silencieux réellement silencieux. D810 se contente d’une rafale à 5 vps ce qui peut s’avérer un peu juste dans certaines situations qui exigent beaucoup plus de vélocité, même si la cadence monte à 7 vps en mode DX. En revanche du côté du déclenchement, Nikon avance dans le bon sens avec un niveau de bruit nettement réduit. Nikon introduit également deux notions très intéressantes. D’abord un mode Qc (Quiet continuous) qui va permettre de shooter en rafale silencieuse. Il me tarde de tester ça dans un concert de jazz. Ensuite Nikon introduit la notion d’obturateur électronique premier rideau, couplé à un nouveau mécanisme miroir/obturateur. Ce système permet de réduire les vibrations à la prise de vue, corrigeant du même coup un défaut qui avait été reproché à D800 . Mais il devrait aussi permettre de réaliser des clichés nets à basse vitesse. Une photo nette à 1/15s avec un D810 et Nikkor 70-200mm f/2.8 VRII, ça me tente.
• Un nouveau mode de mesure
Nikon D810 introduit un nouveau mode de mesure qui va interpeler les photographes qui évoluent dans le milieu du spectacle et des concerts, suivez mon regard. C’est le genre de nouveauté que j’avais totalement zappée à l’annonce de D810, quelle singulière et monumentale erreur de ma part ! Parce que je vous le dis tout net. Ce nouveau mode de mesure change la donne et pourrait faire de D810 le meilleur boîtier de sa catégorie. Rien de moins. Ce nouveau mode c’est la mesure pondérée hautes lumières. Nikon présente ce type de mesure comme une mesure spot automatique capable de détecter, tenez-vous bien, sur un ensemble de lumières sur scène, les hautes lumières et de caler l’exposition correcte en fonction de cette mesure. Soyons clair. Ce genre de spec, combinée au mode AF groupé, pourrait faire de Nikon D810 le meilleur reflex jamais produit par la marque jaune. Devant Nikon D4s ? Oui. C’est possible.
• En conclusion : Nikon D810 distance 5D Mark III.
Si je fais un rapide calcul, avec 25 points Nikon D810 devance donc Canon EOS 5D Mark III (22 points) sur quasiment tous les tableaux. Un autofocus indéniablement plus performant en toutes circonstances, même en conditions de faibles lumières, meilleure gestion des sensibilités, meilleure définition. Au chapitre de la vidéo, Nikon fait désormais jeu égal avec Canon. Mais l’avancée la plus significative réside, selon moi, dans deux nouveautés majeures introduites avec D810 et qui vont radicalement changer la donne pour de nombreux photographes. D’abord le mode AF groupé, hérité de D4s. Ensuite le nouveau mode de mesure haute lumières. Ces deux fonctionnalités réunies vont s’avérer d’une redoutable efficacité et je veux bien parier qu’on va voir fleurir de nombreux reflex Nikon D810 dans les fosses de concerts. Il faut cependant noter que EOS 5D Mark III est dans la place depuis un moment (un peu plus de deux ans), on imagine que la marque rouge ne va pas rester les bras ballants. Quant à moi, mes premiers doutes sur ce reflex se sont clairement estompés, à la lecture (très) attentive des spécifications. Si elles sont au rendez-vous, Nikon D810 pourrait bien être, finalement, le boîtier que j’appelle de mes vœux. Léger, polyvalent, performant en toutes circonstances. Je serai rapidement fixé puisque j’ai rendez-vous avec D810 prochainement dans la fosse des Vieilles Charrues. Un dernier point, avant de vous laisser. Quelque soit votre choix, ces deux excellents boîtiers nécessitent l’utilisation d’excellentes optiques. Sur EOS 5D Mark III, je vous recommande des optiques de série L. Sur Nikon D810, je vous recommande des optiques Nikkor. Et rien d’autre.
[…] Comparatif complet entre deux appareils photo numérique plein formats Canon EOS 5D Mark III versus Nikon D810 le nouveau reflex fullframe par Hervé Le Gall. […]