Au mois d’août prochain, vous avez rendez-vous au cœur de ce que la Bretagne a de plus beau. La presqu’île de Crozon et ses petites plages de rêve nichées dans des criques baignées par une mer cristalline accueillent au bout du monde le festival du même nom. Un petit miracle que ce festival. Un miracle qui se reproduit aussi sûrement chaque année, attirant son flot de festivaliers, mais pas trop. Ici, on n’est pas sponsorisé par une multi-nationale du concert, ce festival c’est d’abord une histoire de bénévoles. Les gars (et les filles) de la presqu’île, attachés à leur terre aussi sûrement qu’une bernique à son rocher, retroussent leurs manches une fois par an, au cœur de l’été, pour transformer la plaine de Landaoudec en mecque de la world music. Leur credo, à eux c’est ça et au fond, si à Crozon on a choisi les musiques du monde, il ne faut sûrement pas y voir un quelconque opportunisme commercial. D’ailleurs, quand le festival a débuté voici maintenant plus de dix ans, peu de gens du métier y croyaient vraiment, tant les musiques du monde étaient calées dans une niche que seuls quelques zicos allumés, dont ce cher Peter G. du fond de son Bath natal (où il fait nettement moins beau qu’à Crozon), défendaient avec passion. Et puisqu’on en est à parler passion, il faut bien reconnaître que ce festival ne serait pas devenu ce rendez-vous incontournable sans l’opiniâtre volonté d’un tandem qui se complète et fonctionne à merveille. Jacques Guérin et Antonin Masset sont au festival du Bout du Monde ce que Roux et Combalusier étaient à l’ascenceur et ce n’est pas qu’une question d’image. Chaque année, sous les yeux ébahis du public, sous l’impulsion du tandem (appuyé par une bande de bénévoles enthousiastes) le petit miracle du festival du Bout du Monde se reproduit, encore et encore, faisant monter régulièrement l’audience d’un étage. Chaque année la rumeur veut que cette édition soit la der des ders pour le tandem mais évidemment personne n’y croit. D’ailleurs que serait le Bout du Monde sans un Jacques Guérin filant backstage à la vitesse de l’éclair sur son scooter, avec ou sans casque, sans jamais se départir de son ineffable optimisme et de son petit sourire discret. Quant à Antonin Masset, il est l’alter ego d’un Patrick Eudeline, l’érudit rock, mais dans sa version world music. Voilà pour le côté humain, un ingrédient indispensable à la recette d’un festival chaud comme un burrito arrosé de tabasco et trempé dans le chouchenn. Côté zique, le Festival du Bout du Monde réussit chaque année l’osmose entre des têtes d’affiche qui vont attirer le public et des pépites dénichées aux quatre coins de la planète. Il y a deux ans par exemple, Bashung (inoubliable), Lavilliers, Camille, Maceo Parker, les Têtes raides, Thiéfaine et Paul Personne, Alela Diane, … avaient attiré la foule des grands jours à Crozon. Dans le même temps, on avait pu savourer et découvrir Victor Demé, Kwal, Melissa Laveaux, Antonio Rivas, Mouss et Hakim, … et le très charismatique Ibrahim Maalouf ! Si le terme melting pot doit convenir à un festival c’est bien au Bout du monde. Brassage des cultures et des genres, découvertes et sensations assurées. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que ce festival est sold out chaque année. C’est aussi parce que l’organisation limite volontairement la jauge, pour le confort des festivaliers et la préservation du site, une préoccupation écolo avant l’heure, bien avant que le bio ne devienne tendance. Il faut rappeler que les gobelets recyclables, pour ne citer qu’un exemple, c’est une idée durable made in BDM.
6,7 et 8 août 2010. Crozon, vous avez rendez-vous avec le soleil et la musique de la planète. Le vendredi, parmi les incontournables, il y a évidemment Olivia Ruiz qui est un baton de dynamite à mèche longue et la carte blanche à Ibrahim Maalouf (une des pépites découvertes il y a deux ans), devrait réserver quelques grosses sensations. Vincent Ségal, initialement prévu, est remplacé par Bojan Z, soutenu par Karim Ziad derrière les fûts. Liban, Serbie, Algérie, ça va être chaud ! A voir aussi la Fanfare du Belgistan (qui a collaboré sur un album de l’excellent Néry), Gotan Project, les Tambours du Bronx… Le vendredi, du beau linge. Le samedi, à voir sur scène des légendes vivantes comme Mahmoud Ahmed avec le Badume’s band, ou Tony Allen, impérial derrière ses fûts, aux confluents du jazz, de la soul et du funk. Charlie Winston viendra poser ses notes de pop folk et la plaine n’aura d’yeux et d’oreilles que pour Donovan, l’un des auteurs compositeurs cultes de la beat generation. Vous n’avez pas fini de fredonner « Catch the wind » et d’autres tubes inoxydables, mélodies imparables d’un songwriter d’exception. Et s’il vous reste des forces, vous pourrez vous fendre d’une rumba avec les catalans de la Pegatina. Dimanche, je evux bien parier que Hugues Aufray (dont je ne réussis toujours pas à croire qu’il a dépassé les quatre vingt balais) va mettre le feu à Landaoudec, sur un simple accord de guitare et une rimbambelle de tubes folk. Nul doute que les petits jeunes comme Renan Luce ne vont pas en perdre une miette. Côté rock, les espagnols de Celtas cortos ou les serbes de Kal vont se charger de dynamiter l’audience. Sans oublier Khaled, évidemment. Le prince du raï va assurément concocter un set heureux et généreux, à l’image d’un sourire qui jette un pont sur la Méditerranée entre la France et l’Algérie. Et là vous me dites, oui, mais encore ? Mon petit doigt (bien renseigné) me dit aussi de ne pas zapper El Bicho qui vient d’Espagne et revisite le flamenco brut et sauvage. Warsaw village band, le coup de coeur du festival, un sextet qui vient de Pologne qui réinvente le folklore en le mêlant au hip hop et aux sonorités soul africaines mâtinée d’indian raga. Novalima, de l’électro, du dub, un pont entre l’Amérique du sud (Pérou) et l’Afrique. Bauchlang, un gang de beatbox autrichien, Terrakota, un mélange de rythmes dans le creuset de la world, the Aggrolites un reggae made in USA saupoudré de punk spirit… Et puis les tambours de la Compagnie Transe Express, pour le côté spectacle et arts de la rue, pour prendre de la hauteur, à une trentaine de mètres du sol…
Du soleil, un zeste de passion, quelques sourires venus des quatre coins de la planète et un même enthousiasme pour la musique. Non, pour les musiques, sans exclusive. Encore une fois, le petit miracle va se produire, là-bas, quelque part à la pointe de cette Bretagne généreuse et festive. A l’heure où j’écris ces lignes, il reste encore une poignée de forfaits trois jours pour le festival du Bout du monde. Laissez-vous emporter, submerger par des accents et des sonorités venus d’ailleurs, pour un festival à l’image de ses bénévoles. Attachant, humain et sincère.
• photo : Carlos Nuñez, festival du Bout du monde Crozon 2004
Catherine Herbertz dit
Cest malin aussi de s’appeler « le bout du monde » ! comment voulez-vous qu’ on ait pas envie un jour ou l’autre de mettre les voiles pour aller voir si il est aussi beau qu’on le rêve , ce bout du monde !
harvey dit
Ce qui est amusant, c’est qu’en français on dit « finistère » (là où finit le terre) et qu’en breton on dit « penn ar bed » (le début du monde). Cette curiosité linguistique montre que le lieu a une signification différente selon l’endroit d’où l’on vient. Et finalement, quand on arrive à Crozon, on est subjugué par la beauté de la presqu’île. Et le festival est à l’image du pays.