J’ai vraiment découvert Serge Gainsbourg à la fin des années soixante-dix, avec la relecture de « L’homme à tête de chou » qui est, sans nul doute, son chef d’oeuvre le plus abouti. A l’époque, j’étais loin de la France, j’écoutais avec conscience les mots qui claquaient dans le haut parleur du petit magnétophone et leur esthétisme m’avait foudroyé. Et c’est là, à jamais sur le bloc-notes de ma mémoire, black sur white, et quoiqu’je fasse, ça m’reviendra en flash back bordel ! Jusqu’à c’que j’en claque… Oh my fucking God ! Quelle gifle ! Il était trop tard pour les influences, mais j’ai pris Gainsbourg en pleine gueule avec une violence inouïe, payant l’effet retard. Partant de là, rétrospectivement, dès mon retour en France, j’ai tout assimilé, je me suis imprégné de tout Gainsbourg, en commençant par Melody Nelson (ah ! Melody…) et puis l’intégrale en vinyls avec le chouette coffret noir et les amours de jeunesse, du poinçonneur à l’eau à la bouche. Il y a eu les années 80, le set mythique avec Bijou, les Papillons noirs et Gainsbourg en larmes devant les kids et derrière ses Ray Ban Wayfarer, la reprise de Frandol, les excès, la nuit, Gainsbarre, l’enfant perdu.
Aujourd’hui Joan Sfar sort un Gainsbourg vie héroïque dans lequel il a mis sans doute beaucoup de passion et une bonne dose de fantasmes, un film que je n’ai pas envie de voir, pour éviter de prendre le risque d’appliquer à mon Gainsbourg, celui que je me suis façonné au fil du temps, une impression fosse, comme disait Vian. Gainsbourg avait une part d’ombre dont on parle peu ou pas, qu’on occulte. De son passé, de Paul et Natacha, dont on évite soigneusement d’évoquer l’existence même. C’est comme ça. L’histoire a tendance à occulter les moments moins glorieux. Gainsbourg était aussi un brin opportuniste, naviguant au fil des modes sans jamais aller jusqu’à les créer. Gainsbourg plagiant « The Trail’s end » écrit par Bonnie Parker, alors en cavale avec Clyde Barrow : « You’ve read the story of Jesse James of how he lived and died. If you’re still in need, of something to read, here’s the story of Bonnie and Clyde« . Sans parler de la Lolita de Nabokov dont ce cher Lucien s’est largement inspiré pour puiser l’inspiration du personnage de Melody Nelson. Enfin ! Nous, les affreux, je suis sûr que Dieu nous accorde un peu de sa miséricorde… J’ai aimé Gainsbourg probablement autant que j’ai détesté Gainsbarre et ses mises en scène pathétiques, entre le billet de 500 balles, l’insoumission face aux paras à Strasbourg ou le clip Lemon incest… Qu’importe ! Injures un jour se dissiperont, comme volutes gitanes. De ces années, je ne garde que l’image du petit Lucien qui arborait fièrement son étoile jaune de shériff dans les rues de Paris. Gainsbourg, héros de ma jeunesse. Il ne se passe pas un jour sans que Serge ne me manque, pas un jour sans que ses mots ne m’accompagnent. Et quand le blues est là, trop présent, j’incline mes antennes, porteuses d’SOS…
Fred dit
Deux jolis articles à la suite ! De la fine écriture, des réferences, de la patte de notre bon Hervé ..
Putain qu’est-ce que ca me manquait !
harvey dit
Thanks Fred 😉
JluK dit
Un beau film qui réconcilie avec le cinéma.