La Carène, salle des musiques actuelles. Mardi 20 octobre, 19:50 heure de Brest même. J’arrive dans la place, ils sont tous là. Une queue interminable, digne d’une boulangerie polonaise à l’époque du Général Jaruzelski, des gens d’ici pour voir la vedette du coin, de chez nous quoi. Dans la queue, il me semble apercevoir quelques têtes connues, venues spécialement de Ouessant et même de Molène. Les portes s’ouvrent, la longue queue s’étire en direction de la grande Carène qui va se remplir aussi sûrement qu’un ballon de rouge au comptoir du Vauban. A l’accueil de la Carène, en me remettant mon pass, la gentille demoiselle me glisse un « trois premiers titres sans flash » de circonstance. Trois premiers titres, je crois bien que c’est la première fois qu’on m’impose une restriction sur un concert de Miossec. Pas grave, on fera avec, de toutes façons ce soir, je suis naze, alors trois titres, un suppo et au lit. Première partie. Alan Corbel, de jolies chansons en anglais un peu bluesy, un brin de désespérance, une guitare en main et une voix de tête, façon Jeff Buckley. Bon feeling, on voit que le garçon en a sous le pied et qu’il se retient. On sent le talent qui suinte et on se prend à imaginer ce que ça pourrait donner, avec des zicos king size tout autour de lui. Alan Corbel, notez ce nom, on pourrait bien en reparler un de ces jours… Une petite demie-heure de set et le public est invité à faire une pause, en attendant le concert. Noir salle. Ovation, petite musique étrange façon suspense hitchcockien. Et ça dure, ça dure. Au premier rang, une dame s’impatiente. Je lui glisse « ne vous inquiétez pas, ce sont les deux ou trois premières heures qui sont longues… » Elle se marre. Et puis les zicos se pointent et je reconnais, entre autres, ce cher Robert Johnson, le guitariste dandy aussi élégant que sautillant tout droit venu de son Albion natale. Miossec est au micro et envoit le son. Jouer à Brest, c’est compliqué, doit-il se dire Christophe. Côté lights, on nous a gâté, même si avec mon pote Fred Morvan (photographe du Télégramme) on se sent à l’aise dans la fosse, rien que pour nous deux. Ambiance Macumba, lumières tournantes, trois titres pour capturer un animal invisible, putain, je me dis que ça va être chaud. Et puis je connais bien le gars Miossec, je sens qu’il y a un truc qui ne lui va pas, qu’il n’est pas dedans. Jouer à la maison, devant tant de gens qui le connaissent, pas facile. Mais ça, c’est sans compter sur les zicos, Nicolas Stevens aux claviers et au violon et Magic Johnson à la guitare, qui le regarde d’un oeil complice, qui s’approche, balance des riffs, en se disant qu’il va bien finir par réagir et sortir de sa boîte, l’animal. Alors le micro commence à voltiger, les premières conneries fusent dans le public. Une chieuse (désolé, je ne trouve rien d’autre) se met à gueuler parce que Miossec passe pas à Lannion. « Lannion ? Mais qui a envie d’aller à Lannion ? Carhaix à côté… mais c’est Las Vegas ! » Mmmmh ! Des tacles et de la mauvaise foi, quelques gouttes de sueur, une ou deux vannes sur Quimper, ça commence à sentir le fauve. J’ai quitté la fosse pour aller planquer derrière un sub, côté jardin et c’est de là que j’assiste à l’ouverture de la boîte de Pandore, façon paparazzi. « On est des putes en fait… Celle-là, on devrait pas la chanter, mais bon… » Premières notes d’intro de Brest au piano, énorme ovation. « Est-ce que désormais tu me détestes, d’avoir pu un jour quitter Rouen… » Petit sourire en coin quand la salle le conspue, lui il s’en fout, mieux encore il s’en délecte. Entre titres du nouvel album Finistériens, dont le très chouette « Joggeurs du dimanche » ou « Fortune de mer » avec une mention spéciale pour « Jésus au PMU » et quelques grands classiques, dont un « non, non, non je ne suis plus saoûl » sauvage, presque instinctif, autant craché (veux-tu bien) que chanté, Miossec finit son set à fond. Ce mec n’est jamais aussi magnifique que lorsqu’il livre sa part d’ombre sans retenue, sans pudeur, qu’il crache son côté obscur, celui qui laisse la gueule en vrac comme après une nuit de piste entre le Vauban et Recouvrance. Miossec. À chaque fois je vis son concert comme si c’était la dernière fois. Une dernière chance pour aller traquer la bête, un aller simple sans retour, sans rémission, se dire qu’il n’y a plus rien à tirer, qu’il est temps de rentrer, un suppo et au lit. Et je me retrouve dans la nuit brestoise, direction le Vauban où j’irai écluser un dernier gorgeon, une petite limonade avant de rentrer à la maison. En comptant les jours qui me séparent de notre prochaine rencontre.
• cliché inédit : Miossec en concert à la Carène Brest, mardi 20 octobre 2009.
Simon dit
On croirait que Miossec est ta muse !
Une vraie fascination on dirait. Très intéressant en tout cas.
harvey dit
@Simon Mio une muse, ça le ferait vraiment marrer ! Mais quelque part tu es dans le vrai. Pour moi Miossec ça tient plutôt du projet photographique à long terme. Sur Cinquième nuit il suffit de saisir le mot Miossec dans le moteur du site pour réaliser le chemin parcouru avec lui. Tu as raison, le personnage est fascinant et puis c’est un mec à fleur de peau avec une qualité d’écriture racée. Et en plus… Il est de Brest !
Claude dit
@harvey j’ai regarde le serie Miossec. Enfoire !