Et si pour une fois, je n’avais rien à dire, hein ? Rien à déclarer. J’ai l’impression que chaque fois que je sors d’un concert, je suis comme le génie de la lampe d’Aladdin qui scrute les gens qui l’entourent : « vous voulez quoi ? Vous voulez quoi ? » Il ne se passe pas un concert où je ne croise un quidam qui va me demander mon avis, comme si mon avis avait une quelconque importance d’abord ? En plus, je réalise qu’il y a en moi une vraie putain de dualité, une opposition, une double personnalité façon Jekill et Hyde, comme un alter ego schizophrène. D’un côté le photographe qui est là pour faire des images, de l’autre l’amateur de musiques, chroniqueur de billets parfois un tantinet salés (je veux bien l’admettre). Ce qui fait qu’il m’est arrivé de croiser des groupes que j’avais chroniqué un peu sèchement mais dont les photos étaient plutôt réusssies. A ce propos, oui, il est (évidemment) possible de réussir de (très) bons clichés d’un artiste ou d’un groupe que mon oreille n’entend pas. C’est l’avantage (le seul je crois bien) de ma pathologie schizophréne. Quand Harvey, l’amateur de musique s’emmerde, Hervé, le photographe trouve toujours du grain à moudre. Le premier en écrivant ses saletés (…) s’expose, alors que le second, beaucoup plus en réserve, voire un brin faux-cul, se contente de shooter et de fermer sa gueule. Le premier est aussi libertaire que le second est commerçant, complémentarité définitivement contre-nature. Moralité, quand tu es photographe, évite de l’ouvrir. D’ailleurs nombre de photographes se contentent de montrer leurs photos, no more no less. Je me souviens d’une photo de Richar Bélia où la légende rédigée par l’auteur disait en substance : « backstage le groupe était sympa, des mecs vraiment cools, mais sur scène c’était calamiteux ! » Ah ! Incorrigible Bélia ! Sur ce coup-là tu as dû te faire un max de potes… Il y a des concerts sur lesquels je n’ai rien à dire, alors je ne les chronique plus, même si, souvent, ma plume me démange. Et parfois, simplement, c’est juste par manque de temps. Il arrive qu’après un concert, pendant la sacro sainte limonade du Vauban, je me fais alpaguer par un habitué : « tiens, j’ai vu que vous n’avez pas chroniqué le concert de Untel, c’était vraiment aussi pourri ? » Et là, j’ai vraiment qu’une envie. Retourner roupiller au fond de ma lampe. Et là vous me dites : « bon d’accord, mais c’était comment le concert d’hier soir, hein ? Charlie Winston, au Vauban, hein, c’était comment ? » J’ai envie de vous dire… Les photos bientôt sur Cinquième nuit.
• cliché : Charlie Winston au Vauban, jeudi 7 mai 2009.