Numérique ou argentique ?
En argentique il fallait apprendre à déclencher au bon moment, avec le numérique c’est devenu plutôt l’inverse, il faut plutôt essayer d’apprendre à… ne pas déclencher ! Cela fait quand même une sacrée différence. À mon avis l’argentique reste la meilleure école pour apprendre les bases de la photographie ! Il faut savoir qu’à cette époque, sur un mariage, je n’emportais qu’une dizaine de pellicules de 36 poses, soit à peine 360 photos ! Il était primordial de s’appliquer dès la prise de vues, car chaque photo prise était forcement très précieuse. Aujourd’hui avec nos reflex numériques et leurs cartes mémoires remplies de gigaoctets, l’imagination du photographe est sans limite. Le danger est de shooter n’importe quoi, n’importe comment et d’appliquer les filtres Photoshop qui vont bien ! Mais comme disait l’autre : “On ne pourra jamais faire briller une merde“. Alors en résumé, il faut penser argentique et vivre numérique.
Domaine de prédilection ?
La vie, l’amour, les émotions, il faut que ca bouge dans le viseur ! Photographier est pour moi synonyme d’échange et de partage et j’ai besoin d’offrir mes photos comme le cadeau d’un instant de vie passée aux personnes que je photographie. C’est pour cela que j’affectionne particulièrement la photographie de mariage et qu’à l’opposé les natures mortes m’ennuient profondément. Difficile de partager des sentiments avec un caillou posé sur le sol ou un arbre planté au milieu du désert (même si j’admire le travail d’un Artus-Bertrand ou de certains photographes de Géo). Je préfère considérer la photographie comme un langage universel qui procure des rencontres extraordinaires et inoubliables ! Pour moi qui suis par nature un peu réservé, la photographie me permet d’aller plus facilement vers les autres.
Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Sans hésitation lumière du jour, du nord ! Sincèrement je ne suis pas à l’aise en studio ! J’ai besoin de tout le temps “danser“ autour de mon sujet et si possible à 360° ! Et puis la lumière du jour me fascine, surtout depuis que je vis dans le Nord, où elle est extraordinaire à travailler ! Mais je pense que si la technique photo peut s’apprendre en quelques heures, il faut toute une vie pour apprendre à lire et à maitriser la lumière. Il ne faut pas perdre de vue l’étymologie du mot « photographie“, du grec graphein (dessiner, écrire) et photo (lumière). Avant même son appareil photo, la lumière est le premier outil de travail du photographe.
Canon ou Nikon ?
Je crois que de toutes les formes d’art qui existent, il n’y à qu’en photographie où l’artiste pense autant à son matériel ! Les constructeurs et les fabricants de logiciel font quand même bien leur travail. A travers leurs gros budgets publicitaires, ils veulent nous faire croire que leurs boitiers vont faire de nous des photographes hors pair ! Donc, Canon ou Nikon, on s’en fout, parce que le talent et le savoir faire ne sont pas vendus dans la boîte. Ce que je veux dire par là c’est que beaucoup trop de photographes se cachent derrière leurs boitiers « dernier cri » et leurs logiciels mis à jour « tous les jours“, au lieu d’apprendre à exprimer leur vision avec plus de passion et moins de dépendance envers leur reflex. Enfin, pour répondre quand même à ta question, je vais citer mon ami Philippe Mura (philosophe de la photographie et grand amateur de Nikon), qui me dit souvent : “tu es un pharaon, tu travaille tout-en-Canon.“ Il a raison, non pas que Canon soit la meilleure marque, mais simplement parce que leurs boitiers sont des outils de travail qui correspondent à mes besoins et à mes attentes. Et puis, ayant toujours travaillé avec cette marque, je connais mes boitiers par cœur et j’arrive à régler mon EOS 5D Mark II les yeux fermés ! Je serais sûrement complètement perdu à shooter en Nikon, bien que leurs boitiers soient tout aussi bons. De toutes façons, si les premières réactions des personnes qui découvrent mes photos sont : “tu dois avoir un sacré appareil ?“ ou bien “tu appliques quel filtre ?“, je me dis que je suis passé à coté de ce que j’ai voulu faire ressentir à travers mes images !
Optique de prédilection ?
J’ai travaillé plus de quinze ans avec deux optiques, un 24/70mm f/2.8 et un 70/200mm f/2.8 mais aujourd’hui ils ne correspondent plus à mon approche photographique. J’ai envie de nouveauté, de simplicité, de me rapprocher des gens et surtout de vivre encore plus intensément mes photos dès la prise de vue. Je viens donc de remplacer le 70/200 par un 135mm f/2 et j’attends de finir ma saison de mariages pour laisser tomber le 24/70 et investir dans une deuxième focale fixe, j’hésite encore entre le 24mm f/1,4 ou le 35mm f/1,4.
Des influences ?
Je m’intéresse beaucoup plus à la vie d’un artiste qu’à son œuvre ! Car une fois le choc visuel passé, c’est surtout la manière d’arriver à ce résultat final qui m’intéresse. Pourquoi et comment Picasso est arrivé à peindre « Guernica » ? Comment Helmut Newton a réussi à inventer un nouveau style photographique ? Comment Orson Welles a fait, à l’âge de vingt-six ans, pour réaliser un des chefs-d’œuvre du cinéma (Citizen Kane)… Comment James Nachtwey capte l’instant extrême de la souffrance, tout en risquant sa vie ? Voilà pourquoi j’ai beaucoup plus tendance à lire des biographies qu’à collectionner des livres de photographies…
Mode M ou pas ?
Cela me fait penser à la citation d’un photographe de mariage qui disait : Le mode “P” pour professionnel et le mode “M” pour maître. Pour moi ce serait plutôt “M“ comme maître d’école, ou maître de cérémonie (MC Gégé est dans la place !). Plus sérieusement, je travaille en mode manuel à 90%, cela offre tellement de liberté ! Mais il m’arrive aussi de travailler en mode P pour “sauver” certaines photos. Par contre je ne travaille jamais en mode priorité diaph ou vitesse, c’est dingue mais je n’y arrive pas ! C’est aussi ça la magie de la photo, il y a une technique (la même pour tout le monde) mais il n’y a pas de règle !